Nées d'une approche gandhienne les communautés de l'Arche conjuguent la non-violence aussi bien dans la vie quotidienne que sur le terrain politique. Une expérience de plus de 40 ans.
Les Communautés de l'Arche sont nées de la rencontre de Lanza del Vasto avec Gandhi en 1937. Au moment de la libération de l'Inde de la colonisation britannique, tout de suite à la fin de la deuxième guerre mondiale, il publie un livre "Le pèlerinage aux sources". C'est un succès en librairie et cela a redonné un message d'espérance pour beaucoup de gens. Le projet des communautés de l'Arche naît alors avec comme principe d'essayer de mettre en pratique dans sa vie de tous les jours la non violence décrite par Gandhi : "chercher la vérité dans tous ses actes". La non-violence est présentée comme la recherche de justice à long terme par opposition à la violence qui peut apporter des solutions apparentes à court terme... sans résoudre vraiment les problèmes. Jean-Baptiste Libouban, responsable des communautés voit des similitudes entre la guerre ouverte et cette guerre obscure faite aux femmes et aux hommes qui meurent debout par millions : chômeurs et exclus de toutes sortes. Dans l'urgence, on leur accorde des RMI et autres allocations, mais le système étant incapable de se transformer en profondeur, tout ce programme d'assistance sans espérance ne devient plus qu'un programme de soins palliatifs.
La spécificité de l'Arche, c'est probablement le lien constant qui est fait entre le travail intérieur et le travail politique. Comme l'explique Jean-Baptiste Libouban : "la non-violence est une manière de faire qui découle d'une manière d'être. Ce n'est pas uniquement par des réformes sociales que la société peut changer. Si l'homme n'a pas une nouvelle vision du monde, on ne changera rien. Les civilisations actuelles ne se posent pas la question de savoir ce qu'est l'unité de l'homme. Si l'on ne cherche pas ce qu'est cette unité, son intelligence, ses affections, son psychisme, son corps et le lien qu'est l'âme, alors on est prêt à subir toutes les idéologies qui nous tireront vers la société de consommation et le mythe des objets, de la puissance, des pouvoirs forts et du prestige. Le développement des sciences, avec la complicité des églises, a conduit à ce que l'homme pense aujourd'hui qu'il petit être le maître de l'univers, qu'il peut le façonner pour en tirer un profit".
La philosophie des communautés de l'Arche a toujours été de s'opposer à
la fausse direction des sciences mêlées aux puissances économiques et
militaires. Le summum étant atteint quand connaissance et mort se rejoignent,
quand l'homme ose jouer sur les modifications de l'atome pour faire des
centrales nucléaires et la bombe atomique. La réserve quant à l'emploi de la
technologie moderne vient d'une constatation bien simple : l'esclavage des
travailleurs, surtout les plus défavorisés et l'atteinte à la nature.
"La cohérence veut qu'on essaie de se passer de ce que l'on désapprouve,
qu'on ne profite pas de l'esclavage des autres, ni de ce qui peut nous conduire
à la catastrophe comme l'électricité d'origine nucléaire". Lanza del
Vasto a été l'un des tout premiers à critiquer la science actuelle, ses
techniques et son "Progrès". Les premières actions des communautés
de l'Arche ont été de dénoncer le mythe de la "neutralité de la
science" en montrant quels étaient les enjeux matériels qui étaient
derrière : cela a commencé par la lutte contre l'exploitation de l'énergie
nucléaire mais pareillement on pourrait dénoncer toutes les recherches de
profit des lobbies pharmaceutiques qui se battent pour la recherche sur le Sida.
Les communautés de l'Arche ont tout de suite fait le lien avec le militaire en
dénonçant l'ingérence permanente et à tous les niveaux de la science de
l'armée (si c'est évident dans le cas du nucléaire, qui sait qu'au moins 20 %
de la recherche actuelle est financée par l'armée ?).
Jean-Baptiste Libouban cite les bouddhistes : " Quand la pensée est
fausse, l'affliction s'en suit, comme la roue du char suit le pas du bœuf
" et ajoute que la principale idée fausse du système libéral se fonde
sur la compétition entre les personnes et la concurrence entre les entreprises,
les Etats et les blocs. Tout cela doit générer des retombées positives sur
tous par l'activité produite. La paix est devenue une autre forme de la guerre.
Si l'enjeu est d'être fort, à tous les niveaux, il convient d'assurer sa
position, si possible par le droit. "Une science mal orientée, un système
libéral et des religions qui n'ont su garder ni le sens des droits de l'homme
ni celui des mystères, tout cela conduit à une rupture" "si les
démocraties permettent de tolérer- la situation, elle permet aussi d'étranges
comportements : entre le voleur- et une multinationale qui a le
"droit" de piller légalement, la société condamne le voleur et pas
la multinationale c'est un système aberrant".
A partir de cette critique de la société, les membres de l'Arche cherchent à
avancer dans une autre direction en ayant conscience qu'ils ne sont pas
meilleurs que les autres. Dans ce contexte : "Le choix de la communauté
est une expression majeure d'ententes, de partages des biens entre les personnes
sans accaparer ni les terres, ni les moyens de production et c'est un champ
d'expérimentations énorme pour l'activité humaine, pour apprendre à décider
mais aussi à se parler, ce qui est extrêmement difficile. La communauté
existe depuis des millénaires, c'est une réalité. Mais elle est extrêmement
difficile à vivre dans la mesure où actuellement la société pense qu'un
homme ne peut s'affirmer que par rapport aux autres, contre les autres. C'est la
domination de la pensée des entreprises commerciales en concurrence avec les
autres et qui imprègne tout le climat social." "La communauté est un
exercice de partage". Le meilleur moyen de partager est de ne pas sombrer
dans le culte de l'objet et donc les Communautés de l'Arche développent un
mode de vie extrêmement simple, en marge de la société de consommation.
Quel est alors le sens de la religion ? "Croyants ou non croyants sont,
dans la communauté, au pied du mur". Pour les deux, il y a recherche
intérieure, recherche de vérité. Le croyant se confronte à ce que dit sa
religion mais les deux font une démarche relativement proche. L'un des débats
dans les Communautés de l'Arche est de savoir si la religion est un facteur de
paix. Il y a des différences d'analyse assez sensibles entre les différents
groupes... même si l'on y retrouve essentiellement des personnes issues des
milieux chrétiens (ce qui n'a rien d'anormal dans un pays fortement chrétien).
Les Communautés se définissent comme inter-religieuses, c'est-à-dire
"ouvertes aux croyants de toutes les religions. Chaque membre de la
communauté est invité à approfondir la sienne tout en essayant de vivre les
valeurs communes à toutes les grandes traditions ".
Les Communautés de l'Arche s'intéressent, comme toutes les religions, à la
recherche de justice, d'amour, mais mettent aussi l'accent sur le respect des
droits de l'homme... Cela se traduit par des actions concrètes -en dehors de la
communauté avec, par exemple des actions de jeûne pour interpeller les
églises sur tel ou tel problème (les derniers jeûnes ont porté sur la guerre
du Golfe, la situation en ex-Yougoslavie... ).
"L'Arche a un sens tribal, dans le sens sacré du terme, d'un groupe qui
communie, trouve du sens, de la joie, de la force dans une vérité qui la
dépasse. Comme la fête, la prière doit avoir une fonction libératrice de la
parole et l'introduction à l'essentiel. Mais la vie spirituelle pour chacun
passe par l'émergence d'un Je. Celui-là qui peut adresser une parole à
l'autre, à cause de cela le reconnaître et construire quelque chose avec lui.
L'Etat n'est pas sacré, la guerre n'est pas sacrée, la vie de l'homme,
si". Concrètement, cette recherche sur/avec les religions rend difficile
l'intégration pour un non-croyant dans l'une des communautés... même si c'est
théoriquement admis. Certains rites de dialogues entre les membres de la
communauté s'apparentent fortement aux rites chrétiens (temps de communion
tout à fait assimilables à des temps de prières), choix des lieux de
résidence... De même, si l'œcuménisme est mis en avant, la pratique
quotidienne n'a pas attiré d'autres religions que les religions chrétiennes...
ce qui est un peu étonnant pour des groupes qui se revendiquent de l'héritage
de Gandhi.
Outre l'importance de la non-violence et de la religion, les Communautés de
l'Arche mettent en avant l'importance de la famille comme cellule de base
communautaire. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de célibataires... mais la
vie communautaire pousse à la formation des couples. Concrètement, à
Bonnecombe, le soir, les familles mangent chez elles alors que les célibataires
mangent ensemble... pour mieux se connaître et partager. Il peut en sortir,
bien sûr de nouveaux couples pour qui bien souvent la vie communautaire n'aura
été qu'une étape. La particularité de la famille dans l'Arche c'est la
famille ouverte. Elle est à l'opposé de la famille-forteresse en état de
défense contre les autres et construite sur un modèle autoritaire. "C'est
un lieu où les enfants doivent pouvoir être heureux, dire ce qu'ils pensent,
apprendre à désobéir à des ordres injustes venant même de ses parents. Les
enfants vont beaucoup chez les uns et les autres. Ils s'invitant à manger, à
dormir. Certains trouvent dans une famille ce que leur propre famille ne leur
donne pas. Ils ont aussi leur vie à eux, faisant leurs expériences, comme les
enfants des villages de campagne. Si la communauté est un paradis, c'est
surtout pour eux".
Les besoins des familles reconnues comme des unités naturelles de vie marquent
la vie communautaire et un célibataire peut trouver plus difficile de
s'intégrer dans une telle forme de communauté.
Enfin, dans le fonctionnement au quotidien, il existe un équilibre mis en place
entre les activités familiales et les activités communautaires : la famille ne
doit pas se dissoudre dans la communauté. Les enfants sont d'abord sous la
responsabilité de leurs parents et non sous la coupe du groupe.
Les communautés de l'Arche cherchent à favoriser l'artisanat. Il s'agit non
seulement d'être autonome par rapport à la société, mais aussi de fabriquer
des objets beaux, ayant une valeur sentimentale qui donne à leur créateur un
sens à leur travail. Alors que la société de consommation occidentale, par le
développement des usines, multiplie les objets uniformes et laids, déshumanise
le travail, Lanza del Vasto, après Gandhi, avait constaté que dans les pays du
tiers-monde, l'artisanat permet de concevoir le travail comme une fête. Cette
idée sera largement reprise dans la manière de travailler des Communautés.
Pour bien relativiser cet aspect du travail, les Communautés ont introduit des
temps de silence (ou de prière selon les interlocuteurs). Ces temps sont
annoncés par une cloche et tout le monde s'arrête alors dans ce qu'il est en
train de faire. Ces arrêts appelés "rappels" sont là pour rappeler
que le travail n'est pas l'essentiel, mais qu'il est plus important de
s'"accorder" avec les autres et avec soi-même.
Ces "rappels" sont complétés par de nombreuses fêtes dont les
quatre principales sont Noël, Pâques, la Saint-Jean et la Saint-Michel.
"Ce sont les quatre coins de l'année, dans le cycle de la vie et de la
mort célébrés sous d'autres formes depuis des millénaires. La fête est un
des fondements de la vie communautaire. C'est un puissant moyen pour célébrer
l'unité par le chant, la danse, le théâtre, non seulement entre les membres,
mais avec tout l'Univers". " La danse est une activité festive
collective de tous les pays du monde. C'est un langage de communion directe qui
rétablit entre les membres ce que les affrontements du quotidien peuvent
affaiblir". L'Arche s'enrichit continuellement de danses venant de partout.
On trouve dans les soirées de danse à l'Arche quelque chose de cette force, de
cet enthousiasme populaire qu'on ressent en participant à un Fest Noz en
Bretagne, l'alcool en moins. A entendre les gens de l'Arche, c'est certainement
ce qu'ils font de mieux. Ils pensent même que c'est un des caractères d'une
autre société possible.
Après la publication de livres de Lanza del Vasto, l'envie de communauté
n'est pas née tout de suite. Au départ ce sont des groupes d'amis qui se
réunissaient à Paris, s'interrogeant sur la manière de mettre en oeuvre une
société non-violente et sur ce qu'il convenait de faire dans sa propre vie
pour éviter que ne dure cette situation. Nous sommes en 1946. Après la guerre,
commence le débat sur la décolonisation : la France entre en guerre en
Indochine (aujourd'hui le VietNam) et la situation est déjà tendue dans les
pays du Maghreb... ainsi que dans de nombreuses colonies africaines. Les
critiques commencent à se faire entendre sur l'évolution du communisme à
l'Est et sur les méfaits d'une prise de pouvoir seulement idéologique.
Gandhi a amené une nouvelle vision du monde : celle d'une personne du
tiers-monde. Un discours qui n'avait jamais été entendu jusqu'alors. C'est une
rupture par rapport à la vision occidentale classique, Lanza del Vasto
multiplie les conférences sur cette nouvelle façon de voir le monde, sur la
non-violence, sur la religion. C'est d'abord un théoricien.
La première initiative concrète est de cultiver en commun un jardin et
d'ouvrir des ateliers de tissage, de filage, de travail du bois et de ciselure.
En 1948, le groupe est déjà assez important quand intervient la mort de
Gandhi. C'est alors que certains proposent d'aller à la campagne pour monter
une communauté dans le style développé par Gandhi. Personne n'a d'argent. Ils
deviennent alors fermiers en Charente. La situation est très rudimentaire : la
charrue est tirée à dos d'homme. Quelques ateliers sont mis en place :
menuiserie, sculpture... pour favoriser l'autonomie et le sens du travail. Ces
premiers pas communautaires pourraient se définir comme "franciscains et
anarchistes". Il n'y avait alors aucun critère de sélection pour y
entrer. Cela a eu très vite des conséquences extrêmement négatives : passage
de nombreux parasites, la caisse commune qui disparaissait régulièrement, les
derniers arrivés qui remettaient tout en cause... "Les erreurs ont toutes
été faites" et l'expérience capote.
A la suite de cet échec, Lanza del Vasto repart en Inde pour approfondir sa
connaissance des communautés gandhiennes, toujours très actives même après
la mort de Gandhi. C'est l'époque où il découvre Vinôbâ, un disciple de
Gandhi qui propose une révolution agraire nouvelle fondée sur le don libre de
la terre. Parfois des villages acceptent de tout repartager. C'est une surface
grande comme la France qui sera ainsi redistribuée. Lanza del Vasto suit
Vinôbâ pendant trois mois de village en village. Il en sort un livre fort
intéressant : "Vinôbâ ou le nouveau pèlerinage". Un petit groupe
issu de l'expérience charentaise s'installe du côté de Nice, provisoirement,
à Tourette-sur-Loup où les filles apprennent le tissage.
De ce petit groupe, un troisième essai est engagé du côté de Bollène, dans
le Vaucluse, dans la vallée du Rhône. Cette communauté se retrouve presque
nez à nez avec le site de Marcoule où se développent les premières
installations nucléaires militaires puis civiles en 1958. C'est là que la
France commence sa production de plutonium. Lanza del Vasto et la communauté
vont alors organiser les premières manifestations antinucléaires. Cela donne
une certaine notoriété à la communauté. Comme celle-ci est située sur un
axe de passage intensif, elle va être largement visitée. Mais les gens qui
passent sont d'abord des curieux qui les regardent comme un zoo de bêtes
bizarres : ils viennent voir ces personnes qui se confectionnent elles-mêmes
des vêtements, filent leur laine, travaillent le bois, cultivent leur jardin,
chantent de la musique traditionnelle... Cela va conduire le groupe à réagir
contre cet envahissement touristique et à édicter des règles de
fonctionnement assez précises.
A partir de 1957, une autre action non-violente avait été lancée depuis la
Communauté de Bollène, contre les tortures en Algérie (lire à ce sujet
"Technique de la non-violence"). Lanza del Vasto et deux compagnons
jeûnent pendant vingt jours. On les accuse de déshonorer l'armée. Pierre
Henri Simon publie "Contre la torture" et Servan Schreiber
"Lieutenant en Algérie". Le Général de Bollardière part deux mois
en forteresse pour avoir refusé d'appliquer les tortures.
Une autre campagne s'enchaîne bientôt à celle-ci en soutien aux réfractaires
à la guerre d'Algérie. Pour cette campagne, deux compagnons feront deux ans de
prison parmi d'autres. Avec Jo Pyronnet commence l'Action Civique Non-Violente.
Celle-ci dénonce les camps de concentration de l'époque que l'on appelait
"camps d'assignation à résidence surveillée" où l'on enfermait les
suspects. Mais le suspect n'est-il pas celui contre qui il n'y a rien à
reprocher ? Les non-violents se disent suspects eux aussi et demandent leur
internement. Ils s'en suit de belles actions devant les camps que la France
découvre.
Comment assurer un suivi dans le travail sans recréer une hiérarchie dans
le pouvoir ? La réponse a été une hiérarchie dans l'engagement.
Des temps de stage ont été mis en place pour présenter aux nouveaux venus ce
qu'est une communauté : on est ainsi passé d'une tendance plus anarchique à
un système proche du système monastique avec l'introduction d'un temps de
postulat. Ces stages permettent déjà une première sélection : Supporte-ton
un régime végétarien (choix fait de respect de toute vie), supporte-ton une
vie relativement austère (avec pas mal de nuances selon les communautés),
supporte-t-on le mode de dialogue entre les personnes... Et surtout, celles ou
ceux qui viennent ont-ils l'esprit de service ? Sont-ils prêts à travailler
dans les secteurs où l'on aurait besoin d'eux ou seulement là où cela leur
plaît, ou selon leur compétence ? La communauté est-elle dans sa tête, ses
bras ou ses actes ? A la fin de ces stages de présentation, il est alors
possible de postuler pour entrer dans la communauté. Chaque postulant accepté
devient un "novice" et peut alors vivre dans la communauté,
travailler dans la communauté, mais il ne participe pas pendant cette première
période à toutes les décisions du groupe. Dans les réunions, il participe à
l'organisation de la vie, du travail, mais non aux décisions touchant les
orientations et les admissions dans la communauté. Peu à peu, chacun
s'intègre dans le secteur qui lui convient et bien souvent il doit apprendre le
métier, car ceux qui viennent connaissent mieux le stylo que la fourche ou la
scie. Après plusieurs années, il est souhaité que chacun change de métier ou
en apprenne un autre. Tout savoir devient facilement un pouvoir et il est bon de
se retrouver dans la condition de celui qui apprend.
Au bout d'un certain temps, le novice peut demander son entrée dans la
communauté, c'est-à-dire devenir "compagnon". Ce stade est le plus
engageant puisqu'alors il lui est demandé de mettre en commun ses biens propres
et de faire des voeux" précisant le sens de sa démarche au sein de la
communauté et ses responsabilités vis-à-vis du groupe. A la différence d'un
"mariage", le voeu est fait sur une durée renouvelable
(généralement sur un an), certains, après plusieurs renouvellements optant
pour des voeux définitifs. Le délai entre le premier stage et le compagnonnage
peut prendre de nombreuses années : c'est un moyen pour la communauté de
laisser le temps à la personne de régler ses problèmes personnels avant
d'entrer dans le groupe.
Tout cela comporte des exceptions car cet engagement est parfois difficile à
vivre dans le temps : certaines personnes s'en vont ou demandent une période de
vie en dehors de la communauté... Dans d'autres cas, lorsque des conflits
semblaient menacer la communauté, des "essaimages" ont eu lieu avec
la création de nouveaux lieux communautaires, ce qui explique qu'aujourd'hui il
y ait des différences notables entre les différentes communautés.
Au sein des "compagnons", il y a un certain nombre de responsabilités
qui sont partagées. Le partage des responsabilités est fait à l'unanimité.
Beaucoup de décisions sont aussi prises au consensus, pour des décisions
mineures, mais sont toujours appelées par erreur décisions prises à
l'unanimité. "Dans le consensus, je consens, je sens de que les autres
sentent, je l'accepte et c'est déjà beaucoup. L'unanimité demande plus car le
mot veut dire "avoir une seule âme". C'est donc plus qu'un
consentement qui est demandé à chacun, mais un soutien actif que la décision
prise prenne corps. Pour les engagements mutuels, pour la nomination des
responsables, on comprend toute l'importance de ce soutien mutuel ".
Parmi les Compagnons, il y a un responsable de la communauté. Le choix de
celui-ci est fait en cherchant celui qui a la plus grande capacité d'écoute et
celui qui pourra ainsi le mieux démêler les sources de conflits. Le point
fondamental est qu'il n'y a pas de candidat. Une personne est nommée en
réunion générale par le groupe pour "consulter" tout le monde.
Chacun va dire, en tête-à-tête, qui Il voit à ce poste, cela permet de
repérer les personnes les mieux acceptées et ensuite un deuxième tour demande
à chacun de s'exprimer sur les quelques personnes retenues. Progressivement,
cela permet de dégager une personne à qui il faut demander si elle est
d'accord. Lorsque ce processus "en privé" est fini, un débat
général a alors lieu pour vérifier si l'on est bien tous d'accord. Les postes
sont en général d'une durée de trois ans, renouvelables. Ce processus est
bien sûr un peu long, mais il a permis jusqu'à maintenant de renouveler les
responsables sans conflit (2).
La communauté de Bollène prenant de l'importance - une vingtaine de
personnes - le groupe se trouve à l'étroit. Dérangée par les sites
nucléaires et le tourisme, la communauté cherche un nouveau lieu plus retiré
pour que les personnes qui viennent rendre visite aient vraiment un intérêt à
la démarche entreprise. Le groupe trouve la ferme de la Borie-Noble, d'une
superficie de 400 hectares dont 50 hectares cultivables, située au sud du
Causse du Larzac, au Nord du département de l'Hérault. Les terres sont
pauvres. Il y a quelques bâtiments (à la Borie-Noble et au hameau de Nogaret).
L'ensemble à l'époque ne valait que 60 000 F, ce qui était le prix d'un
appartement à Paris. Les premières années vont consister à relever les
ruines. Ce travail de gros-oeuvre est l'occasion de faire des bâtiments de
toute beauté. Une école est mise en place à Nogaret pour les enfants de la
communauté. Un projet de barrage hydraulique voit même le jour en amont pour
assurer l'autonomie énergétique, mais il sera abandonné faute de personnes
disposant de suffisamment de temps. Les Compagnons choisissent alors un mode de
vie plus rudimentaire (aujourd'hui encore, les bâtiments n'ont pas
d'électricité). Le groupe prend de l'importance et dépasse la cinquantaine de
personnes.
En 1963, au moment de l'acquisition, un agent de l'ONF leur propose les
bâtiments de la Flayssière situés de l'autre côté de la route d'accès. Ce
qui permet de gagner quelque. bâtiments et six hectares supplémentaires. Au
total, cela fait trois hameaux distincts.
La communauté s'implique dès le début des années 70 dans la lutte des paysans du Larzac. Sur le Causse du Larzac, une centaine d'exploitations sont en effet menacées par le projet d'extension d'un camp militaire. 18 000 hectares sont en jeu. Les paysans vont être particulièrement sensibles à la démarche non-violente et la lutte va donner lieu à une des plus grandes mobilisations populaires en France, qui culminera en 1977 avec un rassemblement de plus de 100 000 personnes. Cette lutte permet aux Communautés de l'Arche de faire leurs preuves dans le domaine politique et de nombreuses personnes vont les approcher, découvrir les écrits de Lanza del Vasto, leurs pratiques gandhiennes. Lanza del Vasto va également mener la lutte sur d'autres sites comme Creys-Malville où en 1976, les Compagnons de l'Arche vont réussir à pénétrer sur le chantier de Superphénix malgré l'opposition des forces de l'ordre : les Compagnons qui franchiront en premier le trou fait dans le grillade se feront sérieusement matraquer mais obligeront les gardes-mobiles à reculer. En 1981, Mitterrand, qui est venu plusieurs fois rencontrer les paysans, va au moins tenir une de ses promesses : il met fin au projet d'extension du camp militaire (3).
Pendant la lutte du Larzac, la Communauté de la Borie-Noble devient trop
petite et des groupes vont essaimer en de nouveaux lieux : tout d'abord à
l'Abbaye Notre-Dame de Bonnecombe, à une vingtaine de kilomètres au Sud de
Bonnecombe, en 1980, et aux Truels du Larzac, en 1981, dans les murs d'anciens
bâtiments rachetés par l'armée... squattés depuis 1974 par deux ménages de
compagnons avec leurs quatre enfants. La création de ces nouveaux centres
communautaires permet des regroupements par "affinités" et des
démarches légèrement différentes. D'autres groupes essaiment dans d'autres
régions une communauté voit le jour au Grand Mouligné, vers Agen, une autre
à la Grande Chouannière, dans la Sarthe. Enfin, la communauté de Bonnecombe
va se subdiviser en deux : une partie des compagnons s'installant en 1986 dans
l'Abbaye de Saint-Antoine, entre Grenoble et Valence, dans l'Isère.
Si toutes revendiquent la tradition gandhienne et l'héritage de Lanza del Vasto
aujourd'hui décédé, les différences se font au niveau de l'ouverture avec la
société. Toutes ont un régime végétarien, toutes revendiquent une approche
religieuse de la non-violence, toutes prônent une vie simple.
La Borie-Noble et La Flayssière ont opté pour des modes de vie très simples :
les seules concessions sont le téléphone et quelques véhicules. Mais la
communauté, aux activités essentiellement agricoles, pratique la traction
animale, s'éclaire à la bougie, se chauffe au bois. Ils ont choisi de
s'asseoir par terre dans la salle commune où se prennent les repas et où se
font les réunions. Cela permet à celle-ci d'être aussi salle de danse et
d'exercices (yoga, méditation). Le couvert a lui aussi été réduit à
l'essentiel, la plupart se contentant d'un bol et d'une cuillère, ce qui ne
pose guère de problèmes avec une alimentation végétarienne. Le linge est
lavé au lavoir. Tout ceci n'est pas sans rappeler sous d'autres formes ce qu'on
trouve dans un monastère Zen.
Les nouvelles communautés n'ont pas fait le même choix. Bonnecombe a
l'électricité et un chauffage central au bois (avec d'énormes frais de
fonctionnement vu la taille des bâtiments). Les familles ont le téléphone
chez elles, et même pour certaines actions, le télécopieur. Les activités
agricoles sont maintenues mais elles sont complétées par l'accueil de
personnes extérieures soit pour des stages au sein de la communauté soit pour
des activités compatibles avec l'action non-violente. La communauté de
Saint-Antoine est encore plus moderniste : c'est la seule située au coeur d'un
village et comme elle ne dispose pas de beaucoup de terrains, elle est limitée
à un simple jardinage, le reste des ressources étant assuré par l'accueil de
sessions de formation. Cette ouverture à l'accueil a nécessité de nombreuses
concessions : les participants ayant certains besoins. Dans cette dernière
communauté, la présence au sein du village change également le rapport avec
la société, la communauté étant directement en lien avec les voisins (les
enfants allant par exemple voir la télévision chez leurs copains). Elles
développent toutes des stades de formation à la non-violence.
En 1952, après l'échec de la communauté de Tournier, dans les Charentes,
Lanza del Vasto avait créé dans les grandes villes de France des groupes
d'amis qui étaient reliés entre eux par un bulletin qui parait toujours :
"Les nouvelles de l'Arche". Avec les actions pendant la guerre
d'Algérie, ou contre le nucléaire, beaucoup d'amis quittèrent l'Arche, ne
supportant pas l'engagement politique.
Les campagnes des années 70, très militantes, vont voir se développer de
nouvelles formes de soutien. Le mouvement se renforce autour des communautés
avec des groupes "Amis de l'Arche" actifs, qui soutiennent librement
les actions ou/et les communautés.
Parmi ces Amis, on distingue les Alliés qui eux, sans appartenir à l'une des
communauté, prennent l'engagement de vivre une démarche proche de celle des
communautés (recherche spirituelle, non-violence, vie simple... ). Les Amis
sont généralement très actifs dans la mouvance non-violente, vivent
simplement et apprécient la philosophie de Gandhi. A ce niveau, on trouve des
non-croyants qui trouvent la démarche des communautés positive mais qui sont
gênés par le trop grand aspect religieux, des personnes engagées dans une vie
sociale ou familiale qu'ils ne veulent pas quitter etc... "Il y a une
complémentarité à développer entre ceux qui vivent dans la société et vont
la contester de l'intérieur, organisant toutes sortes de réseaux et ceux qui
vivent en communauté et essayent une autre forme de vie plus radicale ".
Certains de ces groupes "Amis de l'Arche" ont même fondé leur propre
communauté mais avec des règles de fonctionnement différentes. Il en existe
en France (Communauté de Boisgérard dans l'Aube fondée en 1991), en Hollande,
en Italie, en Espagne, en Suisse...
Globalement, aujourd'hui, on compte environ 70 compagnons et une grosse
quarantaine de novices et postulants répartis dans les différentes
communautés. Les groupes Amis de l'Arche regroupent plusieurs centaines de
personnes.
L'essaimage s'est fait à un moment où la militance non-violente était à son
sommet et aujourd'hui le renouvellement se fait lentement. La militance a bien
faibli après la période du Jeûne pour la vie et les manifestations contre les
Euromissiles (1983 - 1984). Ceci a entraîné une fragilisation des
Communautés. Ainsi, en septembre 1993, le hameau de Nogaret a été fermé et
ses membres se sont répartis dans les autres communautés. La communauté de
Bonnecombe est confrontée à la gestion de bâtiments immenses (un hectare de
toits !) et est débordée de travail. Cette fragilisation a une conséquence :
alors que les groupes essayaient auparavant de dégager des personnes pour
soutenir les 'campagnes non-violentes, cela devient difficile aujourd'hui. Cela
reste toutefois un objectif bien présent dans la démarche des Communautés.
Le conflit est normal entre des personnes qui vivent ensemble. Mais lorsque
l'on se dit non-violent, existe-t-il une méthode pour résoudre ces conflits ?
La première règle appliquée à l'Arche est que le conflit entre deux
personnes doit se régler par le dialogue entre les personnes elles-mêmes. Cela
suffit dans bien des cas tant ce dialogue est inscrit dans le fonctionnement
même de la communauté. Mais parfois cela ne suffit pas et cela empiète alors
sur le groupe. Plusieurs méthodes sont alors possibles : la nomination d'un
médiateur (souvent extérieur à la communauté) ou lorsque cela nuit vraiment
trop au groupe, le départ des personnes en conflit peut être envisagé-. Ce
cas extrême est aujourd'hui tempéré par l'existence de plusieurs
communautés, ce qui permet une nouvelle solution : que l'une au moins des
personnes en conflit change de communauté. Le départ étant une solution
d'échec. Ces différentes solutions ne sont pas imposées : elles sont
proposées par la communauté et ce sont les personnes en conflit qui doivent
choisir la solution. Les problèmes les plus difficiles sont les problèmes de
couple... La démarche communautaire va toujours essayer de sauver les relations
entre les personnes en conflit mais dans le cas d'un couple, cela pose en plus
la question du divorce... car les couples sont mariés (c'est souvent le premier
niveau d'engagement communautaire). Si le divorce n'est pas souhaité, il est
toutefois toléré, de même qu'il existe quelques couples non-mariés.
Le débat sur l'éducation des enfants est fondamental dans tout projet de
changement de société. La réflexion menée à l'Arche est d'amener l'enfant
à pouvoir choisir. Il est clair dès le départ qu'ils doivent pouvoir à leur
majorité avoir le choix entre poursuivre au sein de la communauté et pouvoir
aller exercer un métier ailleurs. Si l'Arche reprend bon nombre de méthodes du
système classique pour les valeurs de base (compter, lire, écrire), elle
cherche à ce que tous les enfants apprennent au moins un métier manuel ou de
service et ne pousse pas spécialement à poursuivre des études ou à passer
des diplômes.
Au départ, il y avait une école de l'Arche, dans le hameau de Nogaret, mais le
problème de la désertification rurale menace les écoles rurales. A la
Borie-Noble, le maire est venu demander si la communauté pouvait envoyer ses
enfants à l'école pour empêcher sa fermeture et depuis seul un jardin
d'enfant (moins de 6 ans) a été maintenu. Ceux qui tenaient à une école
interne à la communauté trouvent que ce soutien "politique",
entraîne une grosse perte pour le groupe : les enfants sont soumis aux
méthodes traditionnelles de compétition. Les partisans de l'école extérieure
mettent en avant la socialisation de l'enfant, la confrontation avec les autres
modes de vie. Dans les autres communautés, il n'y a pas eu d'école, mais des
cours sont organisés le mercredi pour les enfants : religion, théâtre,
ateliers, danse...
Le débat sur ce sujet est loin d'être clos : comme les communautés de l'Arche
existent depuis longtemps, de nombreux enfant, sont depuis devenus adultes et le
résultat est mitigé : il y a très peu de demandes de la part des enfants de
rester dans la communauté, mais on en retrouve beaucoup dans des groupes
militants ou artistiques, dans les groupes Amis de l'Arche. Les enfants
reviennent voir leurs parents, aident souvent au niveau de l'action
extérieure... mais les conjoints n'ont pas forcément envie de suivre le
mouvement communautaire. Il leur reste une ouverture d'esprit peu commune.
Lorsqu'une personne veut mener un travail extérieur pour une cause ou pour
une autre, elle le propose à la communauté qui doit alors s'organiser pour lui
laisser du temps. Cela nécessite donc un débat général pour voir ce qui est
possible et pour voir jusqu'où la Communauté s'engage. Si le groupe est
d'accord, alors la personne agira en son nom propre ou au nom de la communauté
ou de l'Arche, selon l'accord obtenu.
La taille du groupe a un rôle important. Du temps du Larzac, tout le monde
s'entassait au même endroit et il était plus facile que des personnes
s'extraient du groupe pour aller faire des actions extérieures. Aujourd'hui,
après l'essaimage, chaque communauté dispose de moins de disponibilités et
cela limite les possibilités d'actions extérieures. Toutefois des personnes
comme Michel Nodet à la Communauté de Saint-Antoine ou Marie-Pierre Bovy à la
Communauté de Bonnecombe ont un grand rô1e a l'extérieur. Le premier assure
le secrétariat des actions non-violentes de l'Arche. La seconde assure
plusieurs postes : animatrice du collectif Stop-Essais, contre les essais
nucléaires français dans le Pacifique, présidente internationale de l'IFOR,
mouvement international de la réconciliation. Marie-Pierre Bovy anime de
nombreuses conférences à l'extérieur (ce qui à la limite pose des problèmes
de présence dans la communauté).
De nombreuses actions sont proposées de l'extérieur. Lorsqu'il y a une telle
demande, Michel Nodet peut provoquer une réunion avec l'ensemble des
responsables des communautés et avec un ou des représentants du Mouvement (les
Amis et les Alliés) pour décider de la participation de l'Arche dans son
ensemble. La plupart des actions non-violentes étant dans la durée, il faut
alors peser le pour et le contre pour l'avenir de l'ensemble de l'Arche. Il faut
également l'accord de tous, ce qui peut entraîner de longs débats.
L'Arche a ainsi mené des actions dans le domaine anti-nucléaire (contre la
bombe et contre les centrales nucléaires, les mines d'uranium), dans le domaine
antimilitariste (soutien aux réfractaires, soutien aux paysans du Larzac,
contre la guerre du Golf, soutien à la non-violence en Yougoslavie), pour les
droits de l'homme (la lutte contre la torture, soutien au peuple
Kanak, contestation des lois Pasqua)... Les modes d'action sont souvent le
jeûne, les marches, les pétitions, des "vigiles" (présence) devant
des lieux symboliques, mais aussi l'envoi de personnes à la rencontre des
instances de décisions (du "lobbying mais aussi des actions de
désobéissance civile, pouvant entraîner des poursuites devant la justice.
Enfin, les Communautés assurent un accueil et une formation sur place très
important notamment avec des militants venant de groupes du Sud : des troupes
tiers-mondistes, non-violents, religieux, etc... Des sessions ont été faites
dans de multiples directions. Un gros travail a été fait par exemple en
direction de l'éducation à la non-violence (avec des militants du MAN,
mouvement pour une alternative non-violente, du Cun du Larzac...
Ce fonctionnement communautaire est relativement déroutant pour celui qui
est "dans le système". De même, les actions souvent radicales, ont
provoqué des tensions avec les autorités.
Les voisins discutent beaucoup et critiquent également : ils ironisent par
exemple sur les achats ou les services faits à l'extérieur (une partie du bois
est acheté, des locations de tracteurs sont faites lorsqu'il faut défricher un
champ pour ne pas fatiguer les chevaux... ). Dans ce contexte, l'aide
financière des Amis et des Alliés a souvent permis de corriger des erreurs ou
de faire des investissements... ce qui est aussi en contradiction avec la
volonté affichée de se mettre en dehors du système.
Mais ces critiques se sont atténuées avec le temps. D'une part parce que les
communautés fonctionnent mieux, mais aussi parce que les voisins ruraux sont
frappés par la crise et se posent maintenant plus de questions. Progressivement
des liens se sont mis en place, des échanges mutuels se font. A la Borie-Noble,
le choix de soutenir l'école du village a aidé également. La Communauté de
Saint-Antoine est beaucoup plus intégrée parce qu'elle est dans le village.
Marie-Pierre Bovy souligne que l'engagement militant ne reçoit pas le même
soutien selon les sujets : si l'aide aux plus défavorisés est acceptée par
tous, la lutte contre la guerre suscite plus de débats et l'engagement
antinucléaire est le moins bien accepté. Autour du Larzac, on trouve beaucoup
de mines d'uranium qui ont été l'objet de nombreuses actions. Les visiteurs à
l'Abbaye de Bonnecombe peuvent être surpris : de grands panneaux d'information
présentent les luttes que soutiennent les Communautés de l'Arche.
Les gendarmes ont été très curieux au départ : ils pensaient que l'Arche
était un repaire d'insoumis, de drogués, une secte... Au début, ils ont
essayé de faire des arrivées impromptues dans le groupe. Mais progressivement,
ils ont fini par comprendre que quand une personne de l'Arche dit quelque chose,
c'est que c'est vrai. A chaque action militante, les gendarmes essaient de
savoir ce qui se trame... mais les Compagnons de l'Arche savent aussi ne rien
dire.
Il est arrivé que des personnes en situation irrégulière viennent trouver
refuge dans la Communauté. Cela s'est toujours fait le plus possible
ouvertement, mais les autorités n'ont jamais provoqué d'incident : le dialogue
avec la DDASS ou les services de la préfecture ont toujours permis d'arranger
les choses : pour un gamin en fugue, vaut-il mieux le ramener avec les menottes
à ses parents ou avertir ceux-ci qu'il est en bonne compagnie et lui laisser le
temps de la réflexion ? Au départ, le dialogue était difficile, non seulement
pour les autorités, mais aussi pour les Compagnons de l'Arche car il fallait
dépasser le "rejet du képi". Le dialogue est très subversif : le
dialogue avec les forces de l'ordre a souvent une conséquence : le changement
des effectifs pour éviter la "contamination" de la non-violence.
Après presque 40 ans d'expérience, les Communautés de l'Arche ont réussi à bâtir des lieux très bien entretenus. Après un affaiblissement dû à l'essaimage des années 1980, on assiste aujourd'hui à un renouveau au niveau de l'action non-violente, cela a permis d'ouvrir la démarche dans de nouvelles directions (en particulier vers les Musulmans avec les actions pour l'ex-Yougoslavie et contre les lois Pasqua), mais les communautés ont tendance à vieillir. Il ne faut pas compter sur les enfants qui naissent dans les communautés. La plupart ne restent pas à l'âge adulte. Il semble que la forme de vie proposée ne corresponde pas le plus souvent à leur attente. La perte d'influence de la religion dans la société et la domination de l'individualisme nuisent au développement des Communautés. Il reste que l'on trouve des personnes de tous âges et que c'est déjà une assurance quant à la continuation de l'action engagée.
Michel BernardAujourd'hui, le vieillissement évoqué dans cet article s'est accentué. Il ne reste plus que trois communautés : la Borie Noble et la Flaissière (voisines), et St Antoine.
Pour les contacter : Communauté de la Borie Noble (maison principale), 34650 Roqueredonde, tél : 04 67 44 09 89. Voir également St-Antoine, en page de liens
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