Trois attitudes nécessaires
Comment s'entendre vraiment ?
Quelle alternative à la compétition, au sectarisme, à la logique du
pouvoir ?
La prise de décision en commun sans concession de personne, nécessite un moyen de tomber d'accord.
Les trois éléments qui suivent constituent un tel moyen :
- 1 La patience communicationnelle
- Acceptation qu'il y ait une discussion qui prenne un certain temps et nécessite un certain effort intellectuel de la part de tous.
- 2 La communauté d'objectif de vie
- Si les valeurs et objectifs ne sont pas les mêmes au départ, il y a peu de chances d'être d'accord sur les choix, même en se comprenant…
- 3 La pensée rationnelle
- Elle permet de tomber d'accord sur tout, dès que l'on partage les mêmes objectifs fondamentaux. Elle comporte
- a Le doute
- Pas de certitude, seulement des idées plus ou moins vraisemblable (le mode affirmatif exprimant simplement une forte vraisemblance).
- b La référence au sensible
- le niveau de vraisemblance
se fonde sur l'observation et l'expérimentation.
- c la logique
- Les règles de la logique élémentaire sont
suivies avec rigueur.
1- La patience communicationnelle
De nombreuses personnes sont rebutées à ce premier stade.
« Pas question de se prendre la tête ».
S'en tenir à des jugements hâtifs ou des pulsions immédiates est moins fatiguant qu'accepter le dialogue et la réflexion.
En outre, la discussion est souvent perçue comme négative, par amalgame avec la polémique à laquelle notre culture est habituée. D'où une
réaction de rejet.
La tendance actuelle à mettre en avant le "ressenti", le sensuel, le feeling, la spontanéité n'a donc rien d'étonnant… mais elle ne résout pas le problème dont il est question ici…
L'impatience porte trop souvent à clore hâtivement la discussion, que ce soit par un mouvement d'humeur, une déviation par rapport au sujet initial (ce qui peut être vu comme un manque de logique) etc. En fin de compte, elle a pour conséquence l'individualisme ou à la prise de pouvoir.
Amopie rassemble des personnes acceptant le défi de la décision
commune, des personnes suffisamment passionnées par la communication,
et ouvertes aux autres.
2- La communauté d'objectif de vie
Notre société fait l'éloge du travail, du défi, de la performance, en
oubliant de parler du but. Peu importe le sens pourvu qu'il y ait l'ivresse.
De fait, cela engendre une focalisation sur des centres d'intérêts divers et plus ou moins conciliables…
Mais le premier obstacle à la communauté d'objectif est l'égoïsme. Deux personnes qui cherchent leur propre richesse, ou n'importe quelle « réussite personnelle » ne partagent pas le même
objectif, puisqu'elles ne sont pas la même personne… Qui plus est, leurs
objectifs sont souvent incompatibles, ce qui induit une gêne mutuelle.
L'égocentrisme s'oppose clairement à la
communauté d'objectif...
Quant aux morales (généralement altruistes) issues
du conformisme social, elles peuvent induire des divergences d'origine
culturelle (sans compter qu'elles ne correspondent pas à une véritable
liberté intérieure de la personne)…
L'amour désintéressé et non discriminatoire peut par contre entraîner une
communauté d'objectif à grande échelle…
Pour être plus précis, une même personne a généralement
plusieurs objectifs (plus ou moins réfléchis, plus ou moins conscients…) Ils ne sont pas forcément cohérents entre eux. En
cas de conflit interne entre deux objectifs, il importe de distinguer celui
qui l'emporte concrètement. C'est cet objectif qui doit être commun…
Ainsi, aujourd'hui tout, le monde souhaite la paix… mais pour la plupart des
gens, cet objectif est secondaire par rapport à d'autres (au sens de la
hiérarchie concrète que nous venons d'évoquer). Il en résulte tout
naturellement la persistance des conflits…
Ainsi, l'objectif de vie doit être rappelé souvent… car nous agissons
parfois en vertu de réflexes inconscients (objectifs à court terme) sources
de divergences. Par exemple, défendre son image, rejeter ce qui nous gêne,
séduire, se faire plaisir etc. Il faut juste prendre garde à ce que ces
réflexes ne s'opposent pas à l'objectif à long terme, à l'aspiration la
plus profonde… Dans le cas du projet Amopie, l'objectif de développer une
économie de partage, une alternative viable et agréable à la société de
compétition et de surconsommation serait particulièrement fédérateur.
3- La pensée rationnelle
L'entente implique une certaine sérénité et neutralité préalable.
L'attachement à une idée rend difficile la pratique d'un dialogue
constructif. Souvent, chacun tend à marteler sa « vérité »,
refusant d'écouter ce qui pourrait la modifier, ou déformant les propos des
autres, ou ne sélectionnant dans ses propres observations que ce qui va dans
le sens de son parti-pris. Ce genre de déformation est d'autant plus limité que la logique suivie est rigoureuse.
a Le doute
La pratique du doute consiste à partir du principe que rien
n'est jamais sûr, que nos idées ne sont qu'un aboutissement de nos
observations, réflexions et aspirations à un instant donné, et doivent
toujours pouvoir être modifiées le cas échéant. Il ne devrait pas y avoir
une quelconque gloire au fait d'avoir « raison », de ne pas changer
d'avis.
Il est important de bien distinguer entre observation et interprétation. Par
exemple, « il m'a volé », « il est égoïste », sont des
jugements complexes pouvant être discutés, et non pas des faits ou des
observation. Le « fait », ce sera : « il a pris ma clef »,
« il n'est pas venu me rendre service hier » (à condition que l'on
soit témoin direct de l'événement). « il m'a volé » est une
interprétation : il peut m'avoir emprunté la clef, l'avoir confondu avec
autre chose etc. Dire dans ces cas : « ce sont les faits, c'est la
réalité », confondre ainsi observation et interprétation est donc incorrect et ne contribue qu'à s'illusionner soi-même et s'interdire toute évolution.
b la référence au sensible
Notre avis ne doit se fonder que sur nos observations et une
déduction objective. La pensée irrationnelle est influencée par des désirs
ou des craintes qui faussent les processus de mémorisation et de réflexion,
et éloigne donc du consensus : les mémorisations et déductions sont alors différentes d'une personne à l'autre.
Par exemple : la crainte pour sa sécurité, va nous faire soupçonner de
façon excessive un comportement malveillant de la part d'autrui, la force
d'un désir peut nous faire sous-estimer certaines difficultés, ou accorder
du crédit à des théories fantaisistes.
c la logique
La logique ne doit pas être approximative, au risque de varier
d'une personne à l'autre.
Le manque de logique provient souvent d'une simplification abusive.
Exemples de défauts de logique :
- L'exagération
- « Il ne vient jamais » pour « il vient
rarement ».
- La généralisation
- « Les noirs sont des voleurs » pour «
certains noirs m'ont volé ».
- L'interprétation hâtive
- « Il est français » pour « il
parle français »,
Elle est souvent influencée par la disposition du sujet :
Par exemple, un esprit partisan/manichéen nous fera dire :
« il est contre moi » pour « il n'approuve pas ce que je dis »,
Une tendance paranoïaque se traduira par : « il me cache quelque chose
» pour « il a fermé sa porte à clef » etc.
Le jugement sur la psychologie d'autrui est toujours une interprétation
sujette à caution, puisque nous n'avons pas d'expérience directe de sa
pensée. C'est pourtant une manie fort répandue ici-bas, source de nombreuses
difficultés de communication, voire d'isolement (à quoi bon découvrir celui
qui l'on croit connaître ?) Ainsi on tend souvent à prêter une intention à
l'autre : « arrête de te défendre », « ne joue pas sur les
mots », « pourquoi autant de méchanceté ? » etc. Le fin du
fin en la matière consiste à exprimer ou suggérer ce type de jugement sur
autrui en l'absence de ce dernier, de sorte qu'il ne puisse dénoncer l'erreur
éventuelle. Ainsi naissent les ragots.
- L'amalgame
- On voit une identité là où il n'y a qu'un point commun. Il
se produit souvent entre plusieurs concepts par le simple fait qu'ils sont
désignés par un même terme…
Il se traduit souvent par l'assimilation pure et simple d'un ensemble de
concepts voisins, et est particulièrement fort lorsqu'il repose sur une
visualisation ou concerne un phénomène émotionnellement chargé.
- Les généralités
- Un grand classique est la discussion théorique sur des concepts vagues et
complexes, fatalement stérile par son manque de précision. Il y a là un
décalage entre la complexité de la réalité et l'imprécision des termes
utilisés. De sorte que deux personnes peuvent affirmer des choses opposées
en ayant raison toutes les deux…
- La superficialité
- La pensée irrationnelle source de divisions repose sur le non-dépassement
des apparences premières, un manque de profondeur et de finesse dans
l'analyse. D'où l'intérêt de la pratique du doute et d'un débat sérieux
et approfondi. Ce non-dépassement est généralement matérialisé par un
jugement définitif arrêtant la réflexion, isolant chacun dans sa vérité,
gelant le dialogue. Le problème n'est cependant pas le jugement en lui-même,
mais l'absence de doute. En effet, nous sommes bien forcés de faire des
évaluations pour pouvoir agir, mais rien ne devrait nous empêcher de rester
attentifs à ce qui pourrait modifier notre jugement dans le sens de plus de
justesse ou de véracité.
Des affirmations comme « je le sais puisque je le sens », « ma première impression ne me trompe jamais » etc. sont typiques de la pensée sectaire interdisant le progrès et la concorde.
La vérité ne peut être approchée que progressivement, prudemment et
collectivement.
Conclusion
Amopie est un projet communautaire (suppression des conflits d'intérêt
liés à la propriété privée), relevant le défi d'une communication
rationnelle pour une entente durable.
Le manque de réflexion sur ce problème : « comment décider ensemble librement ? » explique les échecs de
ce genre d'expérience, où l'on se contente souvent d'être « bien
ensemble ». Dans le passé, ces dernières se sont généralement
soldées soit par le retour à l'individualisme (éclatement) soit
l'apparition d'une hiérarchie (dérive sectaire).
Pour un progrès
substantiel dans le sens de l'harmonie, le projet
Amopie relève le défi de
la décision libre et commune en se donnant les moyens de réussir. En
l'occurrence : l'application sérieuse des trois points évoqués plus haut : la
patience communicationnelle, la communauté d'objectif de vie, la pensée
rationnelle.
A notre connaissance, cela n'a jamais été fait...
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