Humanisme pur

Des mots

Pour que l'on se comprenne, il nous faut parler le même langage.
Or, un même mot évoque des choses différentes selon qui le reçoit.
Chacun, selon ce qu'il a vécu, réagit différemment à ce qu'il lit ou entend…

Le problème est que nous avons tendance à être gouvernés par notre cerveau primitif (systèmes "limbique" et "reptilien") lequel ne passe pas par la référence au sens conventionnel du mot mais se fonde sur des associations d’idées (pas forcément logiques) déterminées par notre vécu (et donc, relativement aléatoires). Ainsi, le mot "bateau" évoquera généralement un véhicule en forme d'amande, mais, pour certains, ce sera plutôt une barque, pour d'autres, un voilier, un paquebot... Or, son sens est : « ouvrage flottant destiné à la navigation ».

En particulier, nous sommes plus rapidement et fortement marqués par des expériences concrètes que par des définitions à caractère général. Ainsi, des manifestations concrètes d'un concept peuvent prendre toute la place et supplanter le concept d'origine. Cela va induire un effet d'amalgame, nuisant à la communication : on ne pourra plus employer le sens d'origine sans susciter des réactions en rapport avec l’éventuelle manifestation concrète ayant récemment marqué les cerveaux primitifs. Nous parlerons ici d’amalgame interne : un sens d’un mot (ou une forme particulière de ce qu’il désigne) absorbe tous les autres.

Prenons par exemple, le mot « économie ». A la plupart des gens, il évoque l’argent, les banques, ou au mieux, les échanges de biens. Or, l’argent et les banques sont des institutions correspondant à une économie bien particulière, et toutes les économies ne sont pas basées sur l’échange… La définition du mot « économie » est : « mode d'organisation de la production et de la consommation des biens et services au sein d'une société humaine. »
Ainsi, dans une tribu primitive, il y a bien une économie, sans pour autant qu’ils ne manipulent de l’argent, ou ne soient côtés au caq40. Cet amalgame interne est cependant très compréhensible : l’économie monétaire est aujourd’hui omniprésente…

Autre exemple : pour beaucoup de gens, « vivre en autarcie » c’est « se couper du monde » (ce qui est plutôt péjoratif), de sorte qu’ils préfèreront parler d’autonomie pour signifier qu’ils produisent l’essentiel de ce qu’ils consomment. Or, l’autonomie a un sens normalement bien plus vaste que cela, tandis que produire l’essentiel de ce que l’on consomme, c’est précisément l’autarcie, terme qui n’a jamais signifié « se couper du monde »... Mais certaines personnes vivant en autarcies ayant eu tendance à se couper du monde, cela a dû marquer les esprits…
Il s'agit là d'une évolution récente, encore peu répandue, et non prise en compte par le dictionnaire.

Le mot, « communisme », quant à lui, offre un exemple d'amalgame interne plus "avancé".
Ce terme va immédiatement renvoyer la plupart des gens soit à des Etats soit à des partis politiques (ou leurs adhérents) se réclamant des théories marxistes. Cela n’est pas surprenant dans la mesure où il s’agit là de faits concrets qui ont marqué l’Histoire récente. Pourtant, le sens simple, limpide, rationnel et originel du mot « communisme » est « économie sans propriété privée ». Dans « communisme », il y a « commun » : les biens sont mis en « commun », ils sont propriété « commune ». Un exemple de communisme est donc un monastère de bénédictins (où même les vêtements sont mis en commun en vertu de la règle de st Benoît). Un autre, est la tribu primitive. Par contre, il n'y a jamais eu abolition de la propriété privée dans les socialismes d'Etat marxistes (appelés à tort "communismes", voire « communismes réels » !) qui ont marqué le vingtième siècle… Quant aux partis politiques dits « communistes », il n’ont jamais proposé le communisme (et s'en éloignent de plus en plus)… Ils n’auraient aucune chance d’avoir suffisamment d’électeurs !
Certes, les dictionnaires, qui ont pour mission de suivre l’évolution de la langue parlée, s’adaptent en rajoutant des sens supplémentaires (chaque mot ayant ainsi de plus en plus de sens différents plus ou moins contradictoires entre eux…) Mais cela n’enlève rien à la difficulté de communication engendrée par ce fonctionnement irrationnel. Par exemple, de nombreuses personnes vont rejeter l’abolition de la propriété privée sur la base de « c’est le communisme et on sait ce que ça a donné » (en pensant aux régimes socialistes évoqués plus haut, tous plus ou moins tyranniques…) ... Ce qui démontre la réalité d'une confusion, qui ne concerne pas seulement le langage…

Ces exemples illustrent le poids du "cerveau primitif" dans le psychisme humaine. Ce poids est d'autant plus important que les émotions sont fortes.
Cela, les manipulateurs l’ont bien compris… et les victimes abondent...

Pour communiquer, et donc partager, progresser etc. il serait donc souhaitable d’adopter la règle suivante : se référer au sens littéral de la phrase en donnant à chaque mot un sens compréhensif commun à tout le monde (en se référant au dictionnaire, par exemple, lorsque c’est encore possible). Cela implique une certaine maîtrise de soi (de son cerveau primitif), pour ne pas réagir à ce que les mots évoquent en nous, mais pour chercher à comprendre ce que l’émetteur du message a voulu exprimer.
La langue étant elle-même pervertie par l’usage, il est souvent utile de demander confirmation au locuteur du sens dans lequel il emploie tel ou tel mot.

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