Humanisme pur

Mode de prise de décision

Préambule

Pour que le principe "aucune décision ne soit imposée à quiconque" soit respecté, il faut disposer d'un moyen de tomber d'accord.
L'application de l'éthique amopienne, et en particulier, de la CPR permet de tomber d'accord, moyennant un temps de discussion raisonnable.
Le mode de prise de décision doit donc prévoir un temps suffisant pour l'échange et la réflexion de chacun. Pas question, bien sûr, de voter à la majorité à l'issue d'un délai imposé arbitrairement !

Le mode de prise de décision doit cependant prévoir le cas où tout le monde n'est pas parvenu à se mettre d'accord.
Si, par exemple, on impose l'unanimité, la décision risque de ne pouvoir se prendre. Tant qu'on n'est pas parvenu à se mettre d'accord, la décision qui est prise de fait est celle du statut quo qui n'était que l'un des choix possibles. Et pour ceux qui étaient favorables au changement, une décision leur est bien imposée, de fait… Si une seule personne souhaite le statu quo contre toutes les autres, pourquoi imposerait-elle sa préférence à l'écrasante majorité ? Pourquoi l'option la plus conservatrice serait elle favorisée à ce point ?

Par ailleurs, il importe de distinguer entre le fait de se prononcer pour une option simplement parce qu'elle nous semble meilleure, et le fait de s'opposer fortement à une autre option (ce qui est plus restrictif). On ne peut traiter de la même façon ces deux positions : " plutôt pour " et " uniquement pour ".
Contrairement à la règle de la majorité ou de l'unanimité, la méthode du consensus prend en compte cette subtilité en offrant à une minorité le droit de bloquer une décision. Cependant, elle ne permet cela qu'en faveur d'une position minoritaire !

Il importe également de traiter différemment les choix en fonction de leur degré de réversibilité, de leur importance et de leur urgence…
Il importe également de traiter différemment les choix impliquant une argumentation rationnelle de ceux n'impliquant qu'un principe de désir/répugnance.

Signalons enfin que la prise de décision binaire : " pour ou contre telle proposition " est extrêmement réductrice et qu'il est plus judicieux d'effectuer un choix entre le plus grand nombre possible de solutions…

Ce qui suit ne constitue qu'une proposition...

Caractéristiques de la réunion

Pour un fonctionnement optimum en terme de démocratie, une prise de décision collective doit suivre un certain protocole. Dans une communauté, de nombreuses décisions concernent l'ensemble de la communauté. A cette fin, il convient de programmer des réunions périodiques, pour les prises de décision, dont nous proposons ici un fonctionnement possible.

La réunion a une durée limitée. Celle-ci est normalement inférieure à 2h. Une prolongation doit être exceptionnelle et une pause de 10 minutes au moins doit être ménagée à l'issue de la deuxième heure. Ceci, afin que les décisions ne soient pas prises dans un état de fatigue ou de lassitude importants.

Des rôles sont attribués (de façon tournante) : secrétaire, programmateur, distributeur, recadreur, chronométreur, ambianciste…
Le secrétaire de réunion note ce qui se dit.
Le chronométreur annonce le début de la réunion, signale sa fin, les dépassements de temps, prend en compte les pauses éventuelles dans son calcul…
Le programmateur élabore l'ordre du jour, prend l'initiative des changements d'étape.
Le distributeur attribue la parole à ceux qui la demandent (en dehors d'un tour de parole).
Le recadreur signale les hors sujets.
L'ambianciste surveille l'ambiance (énervements, fatigues etc.) et prend des initiatives appropriées. Par exemple, il peut proposer des pauses de rappel à soi, de ressourcement, de récréation, des tours de parole, d'expression des émotions...
Ces fonctions peuvent être cumulées. Le cumul des fonctions de chronométreur, organisateur, distributeur et recadreur (voire plus) constitue la fonction traditionnelle de président…
N'importe quel membre peut contribuer à ces différentes tâches en s'adressant à la personne qui en est officiellement chargé (par signes) ou en demandant la parole (au distributeur)… De plus les décisions peuvent être contestées, et dans ce cas, c'est la majorité qui décide.

Lors d'un " tour de parole ", chacun s'exprime successivement. Le temps d'intervention par tour peut être limité. Le chronométreur peut interrompre l'intervenant pour lui signaler cette échéance.
Le recadreur recadre les interventions qui seraient hors sujet.
En dehors de ces cas, un intervenant ne peut être coupé. Il peut par contre accorder une demande d'intervention brève à qui le désire.
Entre les différentes étapes qui suivent, des petites pauses sont accordées par le programmateur (sur proposition éventuelle de participants), afin de laisser un temps suffisant de réflexion personnelle…

Déroulement de la réunion

I démarrage

Dès que l'heure convenue est atteinte et/ou que tout le monde est prêt, le chronométreur invite au premier tour de parole.
1 Partage d'informations
Chacun à son tour fait part, s'il le souhaite, d'informations nouvelles (depuis la dernière réunion) qui lui semblent utiles (qu'elles soient personnelles ou environnementales). Il aura pu les noter sur un carnet (afin de s'en rappeler)…
2 Partage de propositions
Par un second tour de parole, ceux qui le souhaitent transmettent les propositions qui leur semblent utiles (éventuellement en réaction à des informations du tour précédent).
3 Inventaire des sujets
Le secrétaire fait l'inventaire des problèmes et désirs exprimés. Ceux-ci correspondent à certaines informations, appelant des propositions, évoquées lors du premier tour de parole, mais pourront également lui avoir été transmis par écrit au préalable.
Si le secrétaire oublie quelque chose, quiconque y pense le lui rappelle.
4 Ordre du jour
Le programmateur propose un ordre du jour (liste des sujets à traitée).
Il s'agit d'une part des questions reportée lors de réunions précédentes, et d'autre part de celles qui viennent d'être évoquées.
Un autre ordre peut être proposé (argumenté). S'il n'y a pas de contestation il est accepté. En cas de contestation, la majorité tranche au bout de cinq minutes.
L'importance de cet ordre tient essentiellement au fait que les questions qui n'auront pas eu le temps d'être traitées seront reportées à la réunion suivante…
L'idée est donc de commencer par les problèmes qui sont les plus urgents et/ou les plus rapides à traiter…

II Décisions (procédure générale)

Pour chaque problème ou aspiration :

A Elaboration des propositions

1 Rappel du sujet
Eventuellement, rappel du problème et d'informations attenantes. Par la/les personnes les ayant soulevés, ou quiconque le souhaite, sur demande.
2 Inventaire des propositions
Au moyen d'un tour de parole, puis éventuellement, par prise de parole spontanée ou distribuée, chacun essaie de proposer des solutions (que l'on pourra encore appeler " propositions " ou " options ").
3 Inventaire des arguments
Au moyen d'un second tour de parole, puis éventuellement, par prise de parole spontanée ou distribuée, ceux qui voient des arguments pour ou contre certaines propositions, les exposent.
4 Compléments
En demandant la parole (au distributeur), ceux qui le souhaitent fournissent de nouvelles propositions ou argumentations.

B Choix de traitement ou d'ajournement

1 Passé un certain délai ou temps de silence, pour un nouveau problème :
Si le problème est suffisamment urgent ou anodin, le programmateur invite à une prise de décision immédiate, sinon, il reporte la prise de décision à la réunion suivante.
2 S'il y a contestation, ceux qui le souhaitent exposent leurs arguments.
3 Le programmateur fait alors part de son accord ou du maintien de sa décision en l'argumentant.
4 S'il y a encore contestation, la décision d'ajournement est mise au vote à la majorité.

C Prise de décision

1 Rappel
Le secrétaire rappelle les différentes propositions et arguments correspondants.
2 Sondage rapide
Si, par un sondage rapide, tout le monde est d'accord pour la même proposition, celle-ci est adoptée.
3 Sondage approfondi
Sinon, un sondage est organisé comme suit : chacun attribue à chaque option un indice représentant la force de son désir ou de sa répulsion pour celle-ci. Par exemple : (-3 ;-2 ;-1 ;0 ;1 ;2 ;3). Une répulsion est considérée comme un désir négatif.
L'inaction est considérée comme l'une des options. Il y en a donc au moins deux.
4 Calcul
On détermine (calcul pouvant être automatisé) un classement des options par ordre de somme des désirs décroissante. La somme des désirs d'une option est la somme des indices de désir qu'elle a recueillis.
En cas d'ex æquo (somme des désirs identiques), le classement (entre ex æquo) se fait en privilégiant les options qui augmentent le plus les totaux personnels de satisfaction (TPS) les plus faibles. Le TPS d'une personne est la somme des indices de désir qu'elle a attribués aux options adoptées lors des décisions antérieures.
5 Inventaire des blocages
Le programmateur prend la première proposition de la liste (celle qui maximise la somme des désirs de chacun), et demande s'il y a des blocages ou si tout le monde est d'accord pour l'adopter.
Les blocages (et contre-blocages) doivent être argumentés sur la base de l'éthique commune.
S'il n'y en a pas, la proposition est adoptée, et sa procédure d'exécution mise en place (le délai d'exécution dépendant de son urgence et de sa somme des désirs).
6 Inventaire des contre-blocages
S'il y a des blocages, Le programmateur demande s'il y a des contre-blocages.
S'il n'y en a pas, l'option est rejetée et l'on passe à l'option suivante dans la liste, pour laquelle on recommence la procédure (paragraphe 5, en remplaçant " première " par " deuxième " et ainsi de suite…)
7 Controverse
S'il y a des contre-blocages, un supplément de discussion sur le sujet a lieu (entre bloqueurs et contre-bloqueurs).
Chacun doit justifier sa position par des arguments. Ceux-ci doivent respecter les principes de la CPR. En particulier, un argument doit reposer sur le bien commun… Chaque discuteur doit répliquer pertinemment aux arguments de ses opposants.
De ce fait, il est probable que cette discussion aboutisse au " déblocage " de la situation.
8 Resondage
Au delà d'un certain délai (ou pause), on recommence le sondage (si certains on changé leur désirs).
Si le classement a changé, on recommence la procédure (voir 5).
Sinon, s'il n'y a plus blocage, la solution est adoptée, s'il ne reste que des blocages, on passe à la suivante.
9 Choix complexe
S'il reste des blocages et des contre-blocages,
On examine l'importance de la décision, son urgence, ainsi que l'écart de désir total par rapport à l'option suivante. En fonction de ces trois paramètres, on opte soit pour l'ajournement de la discussion, soit pour le passage à l'option suivante (retour en 5), soit pour le " vote de pertinence "(10).
Ce choix est fait selon la procédure évoquée en B.
10 Vote de pertinence
Il s'agit de voter pour l'argumentation la plus pertinente (compte-tenu de l'éthique), entre celle des bloqueurs et celle des contre-bloqueurs. Si la décision n'a pas de fortes implications irréversibles et que le vote est favorable aux contre-bloqueurs, la proposition est adoptée, sinon, on passe à l'option suivante (retour en 10). Même procédure qu'en B.
11 Epuisement des propositions
S'il n'y a pas d' " option suivante ", l'option " inaction " est adoptée. Le problème sera rediscuté s'il y a un changement d'avis, une nouvelle proposition etc.

III Cas particulier d'un choix de répartition :
La répartition du travail urgent pour le lendemain

Dans un tel cas, le nombre d'options serait beaucoup trop important… L'idée : que chacun ne se prononce que sur son propre désir pour chaque travail.

La procédure adoptée est la suivante.
1
Dans un premier temps, différentes activités ont été proposées et établies (collectivement) comme étant soit : urgentes (une partie du travail au moins doit être faite le lendemain), soit non-urgentes (autres cas).
Dans le cas d'une activité urgente, une quantité de travail à faire le lendemain a été estimée (en durée).
Pour les autres, une quantité de travail prévisible peut être évaluée également.
2
Un sondage des désirs de chacun pour chaque activité proposée (pour laquelle il possède la compétence nécessaire) est réalisé.
3
Est alors calculée la répartition optimum des activités.
Pour se faire, les désirs par activité sont d'abord normalisés : une translation est appliquée aux indices d'une personne de façon à ce que tout le monde ait la même moyenne (zéro, par exemple).
Est alors adoptée, la répartition qui maximise la somme des désirs normalisés, puis maximise les TSP les plus faibles (pour les ex æquo).
Toutefois, au-delà d'un certain seuil de l'écart entre le TSP moyen et le TSP le plus faible, la réduction de cet écart est privilégiée sur la maximisation du désir.
Cette répartition couvre impérativement la quantité minimum estimée pour chaque activité urgente, ne dépasse pas la quantité maximum éventuelle pour les autres, et correspond à un même nombre d'heures total pour chacun (un minimum, éventuellement dépassé si la quantité d'activités urgentes l'exige : dans ce cas, il n'y aura pratiquement que des activités urgentes de réparties).

Une telle décision commune permet en particulier d'éviter toute forme de "manipulation" ou de "pouvoir", ainsi que le phénomène de compétition qui pourrait résulter d'un système d'auto-attribution (que ce soit par intervention orale ou inscription sur un tableau)…
Surtout, par cette méthode, le " plus grand bonheur de tous " est littéralement optimisé, conformément à l'éthique utilitariste !

N'hésitez pas à me faire part de vos réactions, suggestions, interrogations, difficultés etc., ainsi que des fautes ou problèmes techniques que vous auriez rencontrés...

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