Humanisme pur

Le dialogue suffit-il ?

Votre cher voisin vous dérange en faisant du bruit tous les soirs.
Avant de lui faire la gueule, de faire encore plus de bruit, de lui envoyer une lettre d'avocat avec accusé de réception, de colporter des ragots le concernant, d'empoisonner son chat, de le harceler jusqu'à ce qu'il déménage, de le trucider avec un pic à glace puis de le passer au mixer, vous pouvez peut-être commencer par lui parler ?
Et plutôt que lui dire : « c’est pas bientôt fini ce boucan ! », « vous emmerdez tout le monde », « y en a marre des égoïstes comme vous », « t’as intérêt à t’arrêter », « eh Ducon, tu veux que je te refasse le portrait ? », lui expliquer simplement, sur un ton de préférence ni irrité ni menaçant, que vous avez besoin de sommeil et êtes gêné par son bruit. Il y a alors quelques chances qu’une solution puisse être trouvée.
En résumé : penser à avoir recours au langage verbal, exposer ses besoins, s’enquérir de ceux d’autrui et trouver ensemble la meilleure solution. Plus de communication pour plus de connaissances, plus de connaissances pour plus de compréhension, et plus de compréhension pour plus de tolérance.
Mais est-ce toujours suffisant ?

Tout dépend de l’importance des « besoins » qui s’affrontent, de la maturité des protagonistes.
Si je souhaite racheter l’appartement de mon voisin le moins cher possible et que ce dernier a la même ambition concernant le mien, mieux nous comprendre ne fera que révéler l’opposition irréductible de nos intérêts. Certes, nous pourrons demeurer en paix, grâce à la peur de la guerre ou du gendarme, mais la satisfaction des « besoins » de l’un au moins d’entre nous sera fortement limitée par l’existence même de l’autre. Ce « vivre-ensemble » est-il vraiment heureux ? Peut-on parler d’harmonie entre des êtres dont les intérêts s’opposent ?
Si j’ai besoin de disposer de tous les derniers gadgets technologiques, si j’aspire à jouir de tous les plaisirs de la terre, il est clair que je vais devoir pêcher le plus possible de poisson si je suis pêcheur, abattre le plus grand nombre possible d’arbres si je suis bûcheron, et si je ne suis ni l’un ni l’autre, les amener à le faire... il est clair également que je vais devoir entrer en compétition avec les autres, pour les meilleures places, les meilleures affaires etc. Le besoin insatiable de consommer ou de posséder est-il compatible avec la concorde voire même la survie de l’espèce humaine ? Que dire, sur une planète aux ressources finie, du « besoin d’un espace vital » pour des peuples en expansion démographique ?
Si l’on veut aller plus loin qu’une simple paix à n’importe quel prix, si l’on veut une solution qui n’entraîne pas un coût élevé en matière de liberté individuelle, il ne suffit pas d’ « exposer ses besoins », il semble qu’il faille surtout les interroger. Tous sont-ils également fondamentaux et également conflictuels ?
Même s’il n’y a pas épanchement de sang, il y a un problème qui est et demeurera tant que les aspirations des uns resteront contradictoires avec celles des autres. Tant que les « besoins » humains engendreront la rivalité ou l’exploitation.
Au lieu d’être un moyen d’expression véritable, le langage, restera essentiellement un instrument de manipulation… et les négociations courtoises, une vitrine honorable à la loi du plus fort.

Sommes-nous condamnés à être des loups les uns pour les autres (avec ou sans muselière) ? Une harmonie véritable entre les hommes est-elle possible ? Clairement, non, tant que persisteront une économie fondée sur l’avoir et des idéologies fondées sur le sang. Clairement, non, tant que régneront l’avidité et l’étroitesse de vue.

En théorie, une entente et une coopération pleines et entières seraient possibles, pour des individus doués d’un minimum d’intelligence, réalisant leur besoin le plus profond dans un objectif qui leur serait commun.
De plus, si l’on veut éviter des guerres tribales, cet objectif doit être compatible avec celui des autres « tribus ».
Or, lorsque l’on a suffisamment résorbé ses peurs, ses dépendances et ses mesquineries, notre bienveillance n’est-elle pas universelle ? Notre ambition ne se résume-t-elle pas à la paix, à la justice et à l’harmonie au niveau le plus large ?
Une économie de coopération, fondée sur cet état d’esprit, et par conséquent, compatible avec ces idéaux, est-elle donc tellement « utopique » ? Et cet état d’esprit, sans un mode de vie cohérent qui lui offre un environnement favorable, risque-t-il de se matérialiser vraiment, en dehors des prêches des grandes morales et des grands inspirés (où il demeure cloîtré depuis des millénaires) ? Risque-t-il d’être autre chose, qu’une bonne conscience pour actions mauvaises ? A-t-il le moindre espoir de changer le monde ?

Si comme moi, vous n’êtes pas adeptes du fatalisme et du cynisme ambiant, si vous ne vous contentez pas de théorie ou de « bonnes actions », et désirez relever le défi d’une société conviviale et fraternelle dans ses fondements, d'une économie dont le moteur serait l’amour et non plus l’égoïsme, l’être et non plus l’avoir, une économie de partage et non plus d’échange, laquelle est peut-être la seule, sur le long terme, à ne pas être « utopique », on pourrait se rejoindre ? Car rien ne nous empêche de la vivre, de l’amorcer aujourd’hui même, si ce n’est notre isolement, notre apathie...

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