Le félicitisme est une éthique utilitariste, et peut donc être résumé par la phrase suivante :
« Œuvrer au plus grand bonheur possible du plus grand nombre possible (le (pg)2bnp2). »
De cela découle, dans les grandes lignes :
La formule « le plus grand bonheur du plus grand nombre possible » peut susciter quelques réactions, résultant d’une mauvaise compréhension.
En voici quelques-unes :
1 « Ne s’agit-il pas d’une philosophie mystique ? »
2 « Comment faire le bonheur de tout le monde ? n’est-ce pas une
ambition démesurée ? »
3 « N’est-ce pas un peu sacrificiel, ne faudrait-il pas commencer par
s’occuper de son propre bonheur » ?
4 « Comment savoir ce qui fait le bonheur d’autrui ? N’est-ce pas
présomptueux ? Ne serait-il pas préférable que chacun s’occupe de ses
propres affaires ? »
5 « Comment satisfaire tout le monde sachant que l’intérêt des uns n’est
pas le même que celui des autres ? »
Nullement. Il s’agit d’une pure éthique : un comportement, sans aucune croyance nécessaire. La formule « le plus grand bonheur du plus grand nombre » est d’ailleurs associée à Bentham, lui-même disciple d’Helvétius, qui sont des philosophes matérialistes athées du siècle des lumières...
Pour ces derniers, le bonheur était pris dans son sens large incluant le plaisir. Dans le cas du félicitisme, le bonheur prend le sens de profonde satisfaction (félicité)…
Il n’est pas dit de faire le bonheur de tout le monde, au sens d’atteindre
un objectif précis, à la réalisation duquel on serait attaché. Il n’est
aucunement question d’exiger une béatitude universelle !
Il est seulement proposé d’agir, à la mesure de ses propres moyens
(forcément), dans la direction de plus de bonheur pour le plus grand nombre
possible.
Il n’y a donc rien de démesuré dans cette ambition puisque ce n’est pas un
objectif, mais seulement une direction…
Lorsque je décide de me diriger vers le nord, mon ambition n’a rien de
démesuré (aussi loin que soit le pôle nord) : je peux ne parcourir que
quelques centimètres, peu importe.
Cette éthique a pour seule fin de déterminer un sens à nos actions. Certes
une fois que l’on a avancé un peu vers le nord, on peut continuer dans la
même direction, mais on peut faire cela tranquillement, à son rythme. C’est
d’ailleurs préférable, pour éviter le découragement et la fatigue…
Cette éthique est fort peu sacrificielle car, premièrement, elle donne
seulement une direction… et deuxièmement, le plus grand nombre inclut
soi-même…
Cette éthique est donc à distinguer d’un « altruisme » qui voudrait que l’on
privilégie autrui à soi-même…
En pratique, faire le bonheur du plus grand nombre implique de commencer par
faire le sien…
Agir dans le sens du bonheur d’autrui ne signifie pas lui imposer quoi que
ce soit... Va-t-on laisser se noyer celui qui réclame de l’aide, sous
prétexte qu’il est présomptueux de savoir ce qui fait le bonheur d’autrui
?
Il y a forcément un risque d’erreur et une approximation dans toute
évaluation. Il importe ici de l’assumer. Il est simplificateur de ne
considérer que ces deux cas : la certitude absolue (je sais), et l’incertitude
absolue (je ne sais pas). Des éléments permettent d’estimer qu’autrui
souffre vraisemblablement, que telle chose a de fortes chances de le rendre plus
heureux etc. Ce n’est pas parce qu’il y a un risque de se tromper qu’il ne
faut rien faire. Et inversement, ce n’est pas parce que l’on fait quelque
chose que l’on est dans la certitude et l’arrogance.
Rien n’est totalement incertain ni totalement certain, il y a des choses plus
probables que d’autres, et l’on agit en tenant compte de ces probabilités.
Celui qui n’agit pas au nom du manque de certitude, aspire encore, quelque
part, à la certitude. Quelle présomption !
Il est donc parfaitement légitime d’agir pour le bonheur d’autrui. A ne pas
confondre avec harceler autrui au nom de son « bonheur », ce qui est
généralement contre-productif… Il est évidemment important, dans toute
action que l’on veut favorable à autrui, de respecter son libre arbitre. Mais
respect du libre arbitre n’est pas synonyme d’inaction, ni même de
complaisance…
Enfin, bien souvent, ceux qui nuisent à autrui en prétendant faire son bonheur
se préoccupent en réalité de leurs propres intérêts… Ne pas confondre un
alibi avec la réalité. Ce n’est pas la bienveillance qui cause les conflits,
mais l’égoïsme et le sectarisme…
Le but étant de maximiser la somme des bonheurs individuels, cette question n’est pas pertinente : Le but n’est pas de satisfaire nécessairement tout le monde.
De plus, le bonheur, en tant qu’état de satisfaction durable, doit être
distingué de la satisfaction d’un désir donné, ou d’un état de plaisir
particulier. Or, ce bonheur durable, contrairement à la simple satisfaction de
certains désirs, induit des intérêts compatibles…
De sorte qu’il s’agit bien que tout le monde soit satisfait sans qu’il y
ait incompatibilité !
La formule « le plus grand bonheur du plus grand nombre possible » appelle également quelques précisions.
5 « Comment est calculé ce plus grand bonheur du plus grand nombre
possible ? : tous les bonheurs individuels sont-ils tous comptabilisés avec le
même coefficient ? »
4 « Tous les êtres vivants sont-ils pris en compte dans "le plus
grand nombre" ? »
3 « Le bonheur pour combien de temps, avec quelle intensité ? »
2 « Comment faire pour rendre heureux autrui ? »
Et pour commencer : 1« c’est quoi le bonheur ? » !
Le bonheur est la satisfaction, le bien-être.
A priori, on est donc plus ou moins heureux, satisfait.
Il apparaît donc que le bonheur est un état intérieur.
Il importe donc de ne pas le confondre avec ce qui peut en être une cause, une
condition, un facteur…
Il vient également que nous ne pouvons être certains que de la réalité de
notre propre bonheur ou malheur. Mais, comme rappelé plus haut, cela n’empêche
pas de pouvoir estimer la vraisemblance du bonheur ou du malheur d’autrui
(présent ou futur), et d’agir en conséquence.
Il importe également de noter que le bonheur peut dépendre de l’environnement
extérieur mais aussi d’une disposition intérieure.
L’aptitude intérieure joue un rôle très important dans le bonheur d’une
personne. Des gens pauvres, seuls et malades sont heureux ; des gens riches,
entourés et en bonne santé sont malheureux.
Une bonne disposition intérieure permet d’être heureux durablement, à
volonté, indépendamment des inévitables aléas de l’existence.
On peut donc contribuer au bonheur d’une personne de deux façons :
En agissant sur son environnement matériel : par exemple : on lui offre l’hospitalité,
un cadeau, on la soigne, on lui sourit etc.
En influençant sa disposition intérieure : on lui transmet une autre façon de
penser (par le discours, l’exemple, l’expérience…), on l’amène à
prendre conscience qu’elle peut percevoir les choses autrement, agir sur
elle-même…
La deuxième façon d’augmenter le bonheur d’autrui revient à apprendre à pêcher au lieu de donner du poisson. Elle offre l’indépendance, et un bonheur durable...
Cela n’interdit pas, bien évidemment, de procurer du plaisir à autrui. Il
peut être souhaitable de lui apporter éventuellement les soins nécessaires à
sa survie, à une bonne santé, de lui procurer une certaine sécurité, car
tout cela est utile à la pensée, à l’acquisition de la disposition au
bonheur…
Reste que satisfaire les désirs d’autrui quels qu’ils soient, (comme le
voudrait une idée naïve de la générosité) n’est pas un bon moyen d’augmenter
son bonheur…
Le plus grand bonheur implique que la satisfaction soit durable : ce qui est
recherché est le bonheur le plus longtemps possible.
Mieux vaut donner à quelqu’un le moyen d’être heureux toute sa vie, que le
rendre heureux pendant un court instant.
La satisfaction est une donnée extrêmement subjective.
Celui qui est plongé dans l’action ou la contemplation, ne souffre plus, il
ne se pose pas la question de son degré de satisfaction. Il est dans la
satisfaction. Il n’y a donc pas un degré de satisfaction qui serait
susceptible d’être augmenté.
Par conséquent, l’objectif félicitiste est essentiellement : la félicité
pour le plus grand nombre possible d’êtres humains.
On peut s’interroger sur la nature et l’intensité de la satisfaction que
peuvent éprouver certains êtres comme les insectes, les végétaux etc.
L’animal a difficilement accès à un bonheur durable, par le truchement de sa
pensée. Il est également moins sujet au malheur durable d’origine mentale.
Il est vraisemblable cependant que les animaux sont plus satisfaits dans
certains états que dans d’autres.
Il semble donc raisonnable de limiter le concept de bonheur aux êtres
humains, en l’étendant un peu à quelques espèces voisines (ayant un
fonctionnement du cerveau assez proche…)
Pour les êtres vivants non-humains, il s’agira essentiellement de ne pas leur
infliger des souffrances fortes ou prolongées.
Il s’agit de maximiser la somme des bonheurs individuels. Chaque être
humain compte donc autant dans cette évaluation.
Le félicitisme est donc une éthique qui se distingue de l’égoïsme commun,
qui fait que l’on se consacre essentiellement à son plaisir, ou à celui de
quelques proches, avec ce que cela occasionne de compétition, de conflits, et
de destructions à long terme.
Le félicitisme est une éthique non discriminatoire. Encore que cela mérite
d’être précisé…
Supposons que nous disposions d’une certaine somme d’argent à donner et de
deux donataires potentiels (sans autre choix d’action possible que de leur
distribuer cet argent). L’un va très probablement l’utiliser pour se
droguer (acheter sa dose), l’autre va probablement l’utiliser pour soulager
la souffrance de plusieurs personnes (grâce à des compétences
particulières). Sachant cela, que va faire le félicitiste : donner autant à
chacun, tout donner à celui qui se drogue, à celui qui soigne ?
Il va œuvrer dans le sens le plus favorable au bien commun, qui consiste
manifestement à donner à celui qui soigne…
Si donc il y a discrimination de la part d’un félicitiste elle ne peut se
faire que sur la base du comportement du bénéficiaire…
Le félicitisme n’est donc ni un égoïsme, ni un égalitarisme dogmatique.
En pratique, en dehors de cas de danger ou de souffrance forte, il s’agit d’aider
ceux qui ne l’ont pas encore fait, à accéder à un bonheur autonome (et non
pas de les assister).
Le félicitisme se distingue donc d’un altruisme ou d’une générosité
aveugle. Ce n’est pas l’acte qui compte, mais son résultat.
Le félicitiste ne cherche pas à augmenter la sécurité et le confort
matériel de quiconque au-delà de ce qui est nécessaire à une vie saine et
sereine. Il ne cherche pas à augmenter le plaisir, qui serait d’ailleurs
difficilement quantifiable, il se contente de soulager la souffrance, lorsqu’elle
est trop forte ou durable, et de mettre sur la voie d’un bonheur durable, de
la félicité...
Cette éthique induirait un comportement radicalement différent de celui que
l’on observe généralement. On peut parler d’une éthique du bien commun en
ce que les buts des félicitistes sont identiques ou du moins compatibles entre
eux. « Le bonheur du plus grand nombre possible » est un seul et même but. «
Mon plus grand plaisir » est un but différent pour chaque personne… (car le
plaisir de X n’est pas celui de Y…) De même, « la gloire de mon peuple »,
est un but différent pour chaque peuple.
Cette éthique, si elle était généralisée se traduirait donc par une
éradication des conflits. Elle permettrait une économie harmonieuse,
fondamentalement coopérative, remarquablement efficace, radicalement
différente de l’économie concurrentielle qui domine actuellement et
entretient l’égoïsme, la guerre et la destruction.
« ok avec cela en théorie, mais il semble que tout le problème soit là : les hommes ne sont pas félicitistes et on se demande bien par quel miracle ils le seraient ! »
L’idée que tous les hommes appliquent scrupuleusement cette éthique un jour est certes utopique… mais le fait que certains se sentent « félicitistes » : préférent ce mode de fonctionnement, pour les satisfactions qu’il apporte en terme d’unité, d’harmonie avec les autres, de cohérence, de sens, de sérénité, de justesse etc. est une réalité.
Rien n’empêche ces personnes de vivre plus en conformité avec ce ressenti…
de se donner un cadre plus favorable à la concrétisation de leur idéal…
Les conséquences d’une telle initiative ne peuvent être que positives… Il
est même difficile de réaliser quoi que ce soit de plus positif…
Le félicitisme découle naturellement d’un état d'autonomie affective et de solidarité universelle, lequel est une réalité
psychologique vécue.
Cet état s’installe durablement à l’issue d’une certaine évolution
personnelle, par laquelle l’homme d’abord instinctif (le ça), puis moral (le
surmoi), développe un « moi » aussi cohérent que possible.
L’utopie est-elle si utopique que cela ?
Nul ne le sait, mais le savoir n’est pas ce qui importe ici. Ce qui importe
est le vécu, l’action… le bonheur.
N'hésitez pas à me faire part de vos réactions, suggestions, interrogations, difficultés etc., ainsi que des fautes ou problèmes techniques que vous auriez rencontrés...
Pour toute citation ou reproduction de textes de ce site, non destinée à un usage strictement personnel, merci de :