Humanisme pur

La voie du don

Prendre est un plaisir, donner est un autre plaisir. Ils correspondent à deux voies opposées : celle de l'avidité et celle de la compassion.
L'une des deux correspond à un bonheur durable et engendre l'harmonie avec son environnement. Observez et vous verrez…
C'est à chacun de choisir librement la voie qu'il souhaite emprunter.

Mais comment mettre en œuvre un don satisfaisant : qui ne nous retire pas nos moyens de survivre et donc : de donner… (si on donne tous ses biens, par exemple), qui n'entretienne pas l'assistanat ou l'exploitation ? qui contribue à quelque chose de cohérent ?

Dans un échange, on donne et on prend. Celui qui souhaite privilégier la voie du don peut se focaliser sur le plaisir de donner, sans se préoccuper de ce qu'il reçoit. Mais comment va se déterminer le prix (ou, dans le cas d'un troc, le poids de carottes correspondant à un poulet, par exemple) ? Le résultat de la négociation va-t-il favoriser matériellement celui qui privilégie la voie du prendre ou celui qui privilégie la voie du don ?
Une économie fondée sur le marché favorise-t-elle plutôt l'avidité ou la compassion ?

Lorsque je donne de l'argent, ou quelque chose acquis par ce biais, ce que je donne aux uns est généralement pris à d'autres…
En effet, il n'y a pas, dans l'économie actuelle, proportionnalité entre la somme d'argent possédé et la pénibilité ou l'utilité du travail qu'elle est censée avoir rémunéré. Et cette proportionnalité serait d'ailleurs difficile à réaliser…
Tout le monde connaît de ces patrons " philanthropes " qui donnent ostensiblement (à des faibles estampillés " humanitaires ") ce qu'ils ont pris par ailleurs subrepticement (à d'autres faibles certes moins visibles comme tels), par leur " âpreté en affaires ", l'exploitation de leurs employés etc. Quelle est la valeur de ce don ?

Et comment être sûr que l'on donne à la bonne personne, celle qui en a le plus besoin, qui en fera le meilleur usage ? Nous ne disposons pratiquement jamais de toutes les informations nécessaires. En jouant sur les apparences, des personnes qui sont plutôt dans la voie du prendre ne manqueront pas d'exploiter celles qui sont plutôt dans la voie du don.

Plus fondamentalement, suivre une voie nous conditionne dans son sens : nos actes, notre mode de vie influencent notre psychisme.
Si ce que l'on donne est matériel et que l'on doit d'abord travailler pour obtenir des biens matériels, si l'on doit d'abord "prendre"… dans quel sens un tel système nous conditionne-t-il ?
Une économie fondée sur la propriété privée favorise-t-elle plutôt l'avidité ou la compassion ?
On peut d'ailleurs observer l'état du monde… et juger l'arbre à ses fruits.

Enfin, donner à quelqu'un implique une dissymétrie, une hiérarchie : soit que l' " assisté " se perçoive en situation d'infériorité morale, soit qu'il exploite son " serviteur ".
Cette relation, si elle est naturelle dans un rapport adulte/enfant (l'enfant est faible et nécessite qu'on s'occupe de lui), l'est-elle dans un rapport entre adultes ?

Chacun ayant besoin de satisfaire ses besoins physiologiques élémentaires pour vivre, on peut être tenté d'affirmer que chacun doit donc " prendre " pour cela et que l'on ne peut donc être toujours dans le don… Et bien, si, c'est possible, on peut être toujours dans le don : si, par exemple, je travaille dans le but qu'il y ait de quoi manger pour tout le monde, je suis bien dans le don et la compassion… et en même temps, j'ai de quoi manger, puisque je fais partie de " tout le monde " !

Ce type de don n'induit pas de hiérarchie donneur/ receveur… chacun y est satisfait, tant du point de vue de ses besoins matériels que de sa dignité morale, chacun est traité sur un pied d'égalité : comme un semblable, un collaborateur, un sujet autonome, et non pas un objet que l'on utilise... Il s'agit d'une relation de type adulte/adulte (comme entre deux parents qui coopèrent pour nourrir leurs enfants).
Ce type de don n'entretient ni l'assistanat, ni l'exploitation. Il s'inscrit dans une logique cohérente et est porteur de sens. Il s'oppose efficacement à l'injustice et à la misère.

Il fonde une économie de partage.
Economie : gestion des richesses dans un groupe humain.
Dans une économie d'échange, c'est : " tu fais ça pour moi, je fais ça pour toi ", la perspective de chacun est fondamentalement égocentrique, ce qui favorise les conflits interpersonnels, et il y a aliénation mutuelle.
Dans une économie de partage, c'est : " nous faisons ça pour nous ", chacun se centre sur un objectif commun, ce qui engendre une harmonie durable. Au lieu de s'exploiter les uns les autres, on coopère à un même objectif. L'autre, de rival ou exploiteur potentiel devient un aide. Le rapport humain induit est fondamentalement positif.
De plus, chacun peut y travailler de la façon qu'il souhaite avec pour motivation le fruit même de son activité (pas besoin de contrainte ou de récompense). Cette voie du don n'est donc pas celle de la servitude… au contraire…

L'économie d'échange se fonde sur l'avoir. La voie du don s'oppose à l'avoir : lorsque l'on a tout donné, on n'a plus rien. Mais on peut continuer à donner : son temps, son énergie. Ce don n'est pas aliénation car il est l'expression de notre être profond, qui est compassion. Celui qui donne ainsi se réalise. L'économie de partage se fonde sur l'être.

Bien sûr, dans un monde conditionné par l'économie d'échange, la voie du don est moins spontanée et universelle que l'autre... Par conséquent, l'introduction hâtive d'une économie de partage à grande échelle n'est pas raisonnablement envisageable. Par contre, au sein de petits groupes de volontaires attirés par la voie du don, le développement d'une humanité réellement solidaire pourrait être un défi passionnant et porteur d'espoirs…

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