Humanisme pur

Pour une bonne santé

Au delà d'un certain seuil de développement économique la simple croissance des revenus n'entraîne plus automatiquement l'amélioration de la santé de la population. Dans les pays occidentaux, on remarque que le poids de la maladie est moins lourd quand on a affaire à un tissus social plus dense avec des différences de revenus moins marquées, quand le "capital social" (basé sur la qualité des rapports interpersonnels) est plus élevé, quand l'espace publique est un lieu de solidarité qui mobilise la population active. Ainsi, au delà d'un certain seuil de revenu, la santé ne s'améliore pas seulement si l'on prend soin de nos personnes mais si le tissu social qui nous entoure est en bon état. Les effets positifs du tissu social sur la santé sont soulignés dans de nombreuses études épidémiologiques. Une personne qui multiplie les contacts avec autrui et participe activement à la vie sociale se porte mieux qu'une personne qui mène une existence solitaire.
Néanmoins, la vie en société est aussi porteuse de maladies comme l'atteste le phénomène du harcèlement moral sur le lieu de travail. Les victimes souffrent d'un stress chronique qui peut aller jusqu'à perturber leur système immunitaire et endocrinien. Contrairement aux apparences, ces épisodes sont loin de constituer des phénomènes isolés ou rares. Selon des estimations récentes, en Europe, le phénomène du harcèlement moral frappe environ douze millions de personnes. D'autres études ont pu mettre en évidence la relation entre les situations de bureau stressantes, dues le plus souvent à des rapports tendus avec les collèges ou les chefs de service et l'augmentation des maladies cardio-vasculaires et psychosomatiques.
C'est donc un fait établi : le travail a une forte incidence sur la santé. Cette constatation vaut aussi pour nos enfants. Par exemple, ceux qui appartiennent aux classes défavorisées souffrent sept fois plus d'obésité que leurs camarades plus riches. Et cela s'explique non seulement parce que dans ces milieux, le manque d'argent empêche qu'on puisse pratiquer un sport et avoir une alimentation équilibrée, mais aussi parce que ces enfants sont victime d'un stress causé par la situation de leurs parents : précarité de l'emploi, chômage, conflits, anxiété, dépression, alcoolisme.
En outre, dans nos pays occidentaux où la publicité pousse sans relâche à la consommation, les grandes différences de revenu créent une atmosphère de jalousie sociale. Cela provoque une humiliation constante et une faible estime de soi chez ceux qui ne réussissent pas à tenir le pas des plus riches et qui se sentent pour cette raison psychologiquement et sociologiquement exclus. Une série de données confirme ce diagnostic : dans les pays où l'écart économique qui sépare les riches des pauvres et plus marqué, le taux de mortalité est plus marqué : cirrhose du foie, accidents de la route, infections, abus d'alcool et de drogue. Ce lien entre l'inégalité de revenu et la santé présente des aspects de nature psychologique qui dépassent de loin la situation économique réelle des individus. Des recherches menées en Australie et en Irlande ont démontré que plus que la pauvreté effective et le véritable manque d'argent, c'est la préoccupation pour l'argent, la sensation subjective du manque qui est à l'origine des troubles.
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J. Winter, un épidémiologiste britannique a justement démontré l'importance des facteurs sociaux sur l'espérance de vie. Il a étudié les décennies qui séparent 1900 et 1990 et conclu que pendant les deux guerres l'espérance de vie à augmenté de six à sept ans alors qu'elle n'a augmenté que d'un à deux ans pendant les autres périodes. Winter fait alors l'hypothèse suivante : ce paradoxe s'expliquerait par le plein emploi et la réduction de l'écart entre les richesses. Ces éléments, alliés à un climat de solidarité et d'engagement contre l'ennemi ont créé une cohésion sociale inconnue pendant les autres périodes.
Extrait de "le pouvoir de changer" de Willy Pasini

En bref : une société plus fraternelle et égalitaire diminuerait considérablement les maladies
Elle réduirait également la consommation dans son ensemble (et la destruction consécutive de l'environnement) car le besoin de surconsommer est souvent la conséquence d'un certain malaise social et psychologique.