Le mouvement des éco-villages correspond au désir de faire quelque chose pour la planète, à une prise de conscience des problèmes écologiques. Il y a aussi, bien sûr, l'aspiration à un mode de vie plus agréable : calme, proche de la nature, à de meilleurs rapports avec ses voisins etc.
S'il est facile de se retrouver dans le calme de la nature, en quoi les
nobles aspirations humanistes sont-elles réellement satisfaites ?
Vivre à la campagne augmente souvent l'empreinte écologique, la pollution…
Et quel intérêt pour le bien commun de vivre à côté de personnes choisies ?
N'est-il pas important surtout, d'apprendre à vivre avec ceux qui sont
différents de nous ?
Ce mouvement est similaire au retour à la terre des années soixante-dix.
Qu'a apporté ce dernier ?
Voici, ce que rapportent deux sociologues* qui ont étudié le devenir des
néo-ruraux de cette époque : Un nouveau problème
surgit, celui de la saturation du marché et de la concurrence entre les
producteurs de fromages de chèvres, et donc, entre les installés eux-mêmes.
Ceux qui s'en disent conscients voient rarement quelle solution pourrait y être
apportée. Il y en a qui, poussant la logique de la concurrence jusqu'au bout,
souhaitent que des mesures soient prises pour décourager les nouveaux candidats
à l'installation. Ils sont semble-t-il minoritaires, mais ceux que nous avons
rencontrés témoignaient d'une façon aiguë de l'individualisme directement
déterminé par les conditions concrètes de leur survie économique : " on
ne nous fait pas de cadeaux… alors, chacun pour soi…
Quotidienne et inéluctable réalité de l'économie de marché…
" Comment ne pas perdre son autonomie individuelle " est souvent la
première préoccupation qui apparaît dans les projets d'éco-villages.
Pourtant, à partir du moment où l'on doit prendre des décisions en commun,
les contraintes de la collectivité sont là : elles existent dans toute
famille, dans toute nation…
Il n'est guère réaliste d'espérer leur disparition. Quant à l'individualisme
économique, il multiplie les conflits d'intérêt…
Peut-être conviendrait-il d'analyser plus sérieusement l'origine de ces
difficultés, plutôt qu'éluder le problème par le repli sur soi…
Dans ces projets, on demande souvent aux postulants d'être autonomes économiquement. Voilà qui sonne joliment. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'il faut avoir son "revenu". Autrement dit : que chacun doit se relier économiquement à autrui selon les principes de l'économie de marché… (être réellement "autonome" signifierait vivre en ermite !)
Il arrive même souvent que soit explicitement recherchée "
l'intégration économique et culturelle dans le milieu local "…
Il ne faut pas " se couper du monde extérieur ". Dit-on joliment…
comme s'il n'existait qu'une certaine façon de se relier au monde… dont la
remise en cause est apparemment tabou…
Cette " certaine façon de se relier au monde " est-elle écologique ?
L'écologie au sens de principes de respect de l'environnement naturel est
généralement mise en avant dans les éco-villages. Mais qu'en est-il de
l'écologie humaine : de l'harmonie entre humains.
La société de compétition, basée sur l'intérêt individuel n'est certes pas
écologique de ce point de vue-là… et même en ce qui concerne l'autre :
l'environnement naturel, il pourrait être intéressant de s'interroger, en
dehors de tout jugement moral, sur ce qui, concrètement, pousse les hommes à
polluer et surexploiter la biosphère…
Faut-il attendre que les êtres humains soient tout à coup des héros de la
générosité et du désintéressement en toute circonstance, ou essayer de
mettre en place une culture et une " façon de se relier " plus
adaptées à la réalité humaine, à la préservation de l'écosystème ?
Dans la plupart des projets d'éco-villages, la question des rapports humains
est évoquée. Sauf que cela se limite généralement à un tour de table où
chacun expose ses "valeurs". Des concepts aussi précis que le
respect, l'écologie, la solidarité, la liberté… (quel respect ? quelle
liberté ?)
Après quoi, on s'empresse de traiter la question des activités économiques et
de la structure juridique ; histoire d'"avancer", d'être
"sérieux".
D'être sérieux pour qui ? Dans quel paradigme ?
Certes, les " doux rêveurs " des communautés utopistes du passé ont
rencontré quelques difficultés… pourtant ces dernières n'étaient pas
d'ordre purement économique, et tous ces "rêveurs" partageaient
les mêmes valeurs de respect, de solidarité etc.…
Mais voilà, l'heure est à la performance, au concret tout de suite… Tout ce qui n'existe pas encore, ou sort un peu trop des rails autorisés, est qualifié à d'utopie, de " pas sérieux ", de "théorique" , voire de "dangereux"
Apparemment, le dépassement d'un certain nombre de conditionnements est un
préalable nécessaire… pour œuvrer efficacement. Une certaine façon de
penser nous isole…
Et si nous commencions par là : par " être le changement que l'on veut
voir dans le monde "** ?…
Alors, se regrouper entre volontaires sur la même longueur d'onde permettra
de se donner plus de chances de réussite dans cette entreprise périlleuse mais
ô combien précieuse, qu'est la quête de l'harmonie.
Alors, vivre à la compagne apportera l'autonomie nécessaire à la
démonstration d'une autre économie, ainsi qu'une maîtrise de l'empreinte
écologique.
Les nobles aspirations humanistes auront des chances d'être réalisées. Un monde meilleur pourra enfin émerger, grâce à des éco-villages…
*Danièle Hervieux-Léger et Bertrand Hervieu, dans
"le retour à la nature", "au fond de la forêt... l'Etat".
** Gandhi
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