Humanisme pur

Quelle économie ?

Un peu d'économie

Considérons un homme obligé de se débrouiller pour survivre sur une île déserte. Il doit effectuer un certain nombre de tâches pour satisfaire ses divers besoins: trouver des baies comestibles, pêcher, chasser, trouver un endroit pour passer la nuit au chaud, à l'abri des prédateurs, se confectionner des outils, des habits etc.
Il passe ainsi une grande partie de ses journées à travailler.
"Travailler": se livrer à une activité dans le but d'obtenir un résultat. Le travail n'est donc pas quelque chose de nécessairement pénible. Ce peut être une activité agréable. Cela dépend de l'activité... et de la personne qui s'y livre. Il n'en demeure pas moins qu'un travail donné n'est pas forcément l'activité la plus agréable qui soit, celle que l'homme choisirait s'il avait le choix (d'obtenir le même résultat autrement). Il préfèrerait souvent bénéficier du résultat sans avoir à effectuer le travail nécessaire.

En vertu de cette fainéantise fondamentale, les hommes ont cherché des moyens de réduire leur travail, tout en bénéficiant des fruits correspondants.
C'est l'intérêt du progrès technique, des outils et machines, qui augmentent considérablement la productivité. Le travail d'invention des outils ou techniques est généralement préféré parce que plus créatif et moins fastidieux que le travail de production directe.

Une autre façon de réduire ou de rendre plus agréable et productif le travail est sa "socialisation" : travailler à plusieurs. Ainsi, au lieu que chacun travaille seul à la satisfaction directe de ses seuls besoins, chacun participe à la satisfaction des besoins de tous, le travail étant réparti d'une façon plus judicieuse.
Le travail en groupe peut être plus agréable et surtout plus efficace.
Plus agréable parce qu'en travaillant côte à côte, on peut bavarder, ce qui divertit des tâches fastidieuses. Plus agréable parce que chacun a plus de façons de choisir l'activité qu'il exerce : possibilité de faire ce qui lui est le plus agréable, plus de liberté dans la répartition du travail que si chacun produit ce qu'il consomme. Travailler à plusieurs apporte aussi un sentiment de force et d'harmonie qui est désirable en soi. C'est également un gage de sécurité : la personne malade peut être aidée, pendant sa période d'incapacité.
Le travail socialisé peut être plus efficace par coordination des actions individuelles (plier un grand drap, encercler du gibier, déplacer un objet lourd). Il peut être plus efficace par spécialisation: les savoir-faire longuement acquis par certains sont mieux rentabilisés, certains va-et-vient inutiles sont supprimés.

En contre-partie, cela entraîne une plus forte dépendance mutuelle, la nécessité de communiquer efficacement et de partager certains objectifs...
Socialisation et progrès technique oeuvrent souvent de concert: une mécanisation permettant souvent un gain de productivité à condition que la production soit concentrée.

Il existe un grand nombre de façons différentes de s'organiser ensemble pour travailler à la satisfaction des besoins. Une telle façon de s'organiser est une "économie". Les "acteurs" d'une économie donnée sont les individus auxquels elle s'applique. Le travail peut concerner une modification de l'environnement matériel: services, production ou distribution de biens, ainsi que la production ou transmission d'idées et de savoirs. La "consommation" est l'acte par lequel on bénéficie d'un service ou d'un bien, en particulier en le détruisant (consommation d'un aliment).
L'économie est également la science qui étudie ces différents modes de gestion du travail et de la consommation.

D'un point de vue humaniste, il est intéressant de déterminer l'économie qui est la plus satisfaisante pour ses acteurs.
Pour ce faire, une économie doit d'abord permettre une production effective des biens ou services : c'est sa "viabilité".
Il faut ensuite que le travail et la consommation soient répartis d'une façon équitable, ou du moins, que tout le monde soit matériellement satisfait, c'est sa "justesse".
Le type de rapport économique peut être plus ou moins satisfaisant humainement, c'est sa "reliance".
Il importe également que les ressources naturelles soient préservées pour les générations futures, c'est sa "soutenabilité" écologique.

Un peu de psychologie

Pour qu'une économie soit "viable", il faut que les acteurs aient une motivation suffisante pour faire le travail qui leur est imparti. On peut rêver, par exemple, d'une économie où chacun travaillerait spontanément pour satisfaire les besoins de tous, veillant spontanément à la justice et à la préservation des ressources, sans autre incitation que ce résultat global. En théorie, elle serait évidemment largement préférable à tout ce que l'on connaît. Mais on peut douter de sa viabilité...

Il importe donc, avant tout, de s'interroger sur les motivations humaines à travailler. Ces motivations correspondent à la satisfaction de besoins et désirs.
Il y a les besoins de survie : assurer sa sécurité, sa subsistance alimentaire... assurer la pérennité de l'espèce: s'accoupler, prendre soin de ses enfants... se sentir intégré, reconnu socialement, avoir une certaine autonomie, créer etc. Les motivations humaines sont relativement complexes et variables.

Concernant un travail, la motivation de l'individu peut être "directe" ou "indirecte".
Prenons l'exemple d'un homme qui voit un fruit comestible au sommet d'un arbre. Le travail: monter sur l'arbre et cueillir le fruit.
La motivation est directe si la motivation ultime de l'homme correspond à la consommation du "fruit" de son travail. Par exemple: s'il souhaite manger le fruit. Mais aussi: s'il souhaite réserver ce fruit pour un repas festif organisé par sa tribu, ou l'offrir à une amie, dans la mesure où il tire son plaisir de la consommation du fruit, fût-ce par empathie.
La motivation est indirecte dans le cas contraire. Par exemple, s'il offre ce fruit à une amie dans le but qu'elle l'apprécie et cède plus facilement à ses avances... S'il réserve ce fruit pour le repas de sa tribu dans le but de ne pas essuyé de reproche pour ne rien avoir apporté. Dans ces cas, la motivation ultime n'est pas la consommation du fruit...
En bref, une motivation est directe si elle vise à l'autoconsommation ou à un don désintéressé.

En outre, une motivation peut être "positive" : obtenir une satisfaction, ou négative: "éviter une insatisfaction".

Pour un travail donné, une personne peut avoir plusieurs motivations simultanées. Par exemple, le plaisir par empathie de la consommation, et, par ailleurs, une récompense ou l'évitement d'une sanction etc. L'altruisme et l'égoïsme ne s'excluent pas...
Elle peut encore avoir plusieurs motivations différentes au cours du temps, selon les pensées qui occupent son esprit. Ainsi, lors d'un travail, il y a des motivations intermédiaires qui se mettent en place. Par exemple, au moment de grimper sur l'arbre, le travailleur est concentré sur son équilibre pour ne pas chuter, sur la recherche de branches pour prendre appui etc.

Une motivation peut donc être activée par le simple rappel de son existence.
Le rappel de plusieurs motivations peut donc augmenter la disposition de la personne à faire un travail donné.
Reste que pour être effective, cette motivation doit correspondre à un besoin humain fondamental (ou plusieurs).

Ainsi, une économie où l'on fait appel à la créativité ou l'altruisme de ses acteurs (en "garantissant" un revenu minimum par exemple), risque de ne pas fonctionner (être viable). Les biens de base risquent de ne pas être produits, d'où une situation de famine. Une raison à cela étant que l'insécurité occasionnée par ce risque peut pousser certains à stocker discrètement pour leur consommation personnelle au lieu d'apporter leur contribution au travail commun...

Un peu d'Histoire

On peut parler d'économie à motivation directe lorsque les motivations directes sont favorisées et dominent. Ainsi, l'économie de la tribu primitive peut être considérée comme étant à motivation directe, dans la mesure où chacun y travaille essentiellement dans le but d'amener à manger à la communauté.

Depuis ces temps reculés, l'homme a développé des économies à motivation indirecte.
Un exemple simple est l'esclavage : l'esclave travaille dans le but de ne pas être fouetté. Ce rapport économique découle de la fainéantise du maître, qui préfère faire faire par autrui les travaux pénibles dont il souhaite consommer le résultat.

Les échanges entre tribus ou individus sont également à l'origine d'une économie à motivation indirecte. Cela a commencé avec le troc: une tribu potière ne faisait plus l'essentiel de ses pots pour sa propre consommation, mais dans le but d'obtenir (par échange) du maïs de la tribu céréalière, du gibier de la tribu chasseresse etc.
La monnaie s'est ensuite imposée car elle facilitait considérablement ces échanges : le potier, pour obtenir du poisson, n'avait plus besoin que le pêcheur souhaite avoir des pots...

Cette économie d'"échange" n'est pas d'une reliance très satisfaisante à cause du rapport conflictuel de négociation : la détermination du prix d'achat est le résultat d'un compromis entre les désirs de consommation (ou de domination) de chacune des parties. Les objectifs de maximisation de possession monétaire sont antagonistes. Surtout, à égalité de pouvoir, la plus avide des deux parties est avantagée par la négociation. Cela favorise l'avidité et le pouvoir dont elle dispose, et par conséquent, la rivalité et les conflits...

La possession de monnaie n'est généralement pas la motivation ultime puisque la monnaie est destinée à acquérir des biens ou bénéficier de services. Mais, du fait de sa nécessité et de son pouvoir pratiquement universel, elle tend à le devenir. La quête d'argent est alors une quête de pouvoir personnel et de sécurité, qui devient une motivation dominante dans la vie des individus.
Par synergie, la consommation de biens devient à son tour une motivation dominante, d'où une augmentation considérable de cette consommation de biens matériels, bien au-delà de ce que nécessite la satisfaction des besoins vitaux.

Cette importante focalisation sur des motivations d'appropriation et de jouissance matérielle renforce les sources de conflits.
De plus, le développement outrancier de la consommation (autorisée par les progrès de productivité) met en péril l'environnement naturel...

Par ailleurs, la possibilité de tirer du prêt d'un bien (y compris de la monnaie!) un revenu illimité dans le temps, la possibilité de transmettre son capital privé à sa descendance, ont considérablement accru les inégalités sociales, ont supprimé la proportionnalité entre gain et travail (moindre "justice") et précarisé la survie d'une grande partie de la population.
Avant, chacun naissait au sein d'une communauté qui disposait de l'espace vital nécessaire à sa survie. Les besoins de sécurité et d'appartenance étaient assez bien satisfaits. De nos jours, celui qui ne naît pas au sein d'une famille riche, dépend de la bonne volonté des plus riches pour pouvoir survivre (puisque les moyens de production, y compris la terre, sont entre leurs mains).

L'économie dominant actuellement la planète, le capitalisme de marché, si elle peut être considérée comme "viable", est une véritable catastrophe en termes de "justice", de "reliance" et de "soutenabilité".
Une catastrophe écologique majeure est extrêmement probable, si des mesures radicales ne sont pas prises d'urgence dans ce domaine.

Un peu de politique

Se plaindre, manifester, dénoncer, ne suffit pas: il faut proposer une économie viable et soutenable, et de préférence juste et reliante.
Il importe que dès aujourd'hui, certains se mettent à réfléchir et expérimenter, de façon à faire advenir une économie plus satisfaisante.

La sphère "politique" est actuellement réduite à un petit nombre de partis qui se bornent essentiellement à satisfaire les ambitions au pouvoir de leurs dirigeants, à défendre les intérêts d'une classe particulière de la population, à représenter une vague sensibilité ou à faire triompher une idéologie dogmatique. Il y a donc de la place pour une action plus "éclairée" dans le sens de la survie de notre espèce !

Imaginer qu'une économie satisfaisante se mettrait spontanément en place sur les ruines de l'autre relève du vœu pieux. La désorganisation tend à favoriser l'expression de la violence, elle laisse naturellement la place à la loi du plus fort.
Se comporter soi-même de façon "écologique" a peu de chances d'améliorer sensiblement la situation planétaire. Car l'hypothèse "si tout le monde faisait comme moi" est peu vraisemblable.
Changer les comportements individuels par une approche philosophique sans se préoccuper de l'environnement social apparaît comme peu réaliste. Des "spiritualités" essaient depuis trois mille ans...
Réformer le système progressivement de l'intérieur semble difficile, car une économie viable doit être cohérente, ce qui implique une réforme d'ensemble.
De plus, cela implique généralement un changement d'état d'esprit : il est donc peu probable qu'une économie radicalement différente fonctionne si elle est imposée au plus grand nombre.
Il n'est évidemment pas suffisant de se retirer à la campagne en cessant d'alimenter le système, de se contenter de vivre de façon plus conviviale en partageant quelques biens. Qu'on le veuille ou non, un autre système prendra place (nous sommes forcément organisés d'une certaine façon), autant réfléchir à celui que l'on veut avant de le faire advenir, de façon à obtenir une viabilité, une justice, une reliance et une soutenabilité satisfaisantes...

Donc, l'abandon, le réformisme, la révolution, la rigueur morale, l'initiative ludique ne suffisent pas.

Une solution judicieuse : expérimenter divers types d'économie à petite échelle, pour voir ce qui fonctionne le mieux. Ainsi, les modèles les plus satisfaisants attireront plus de volontaires, ce qui leur permettra de se concrétiser et de se généraliser.
En pratique, cela nécessite qu'une partie au moins de la population se soit libérée de certaines croyances et se soucie des générations futures. 

Urgence d'une véritable alternative

Si une économie est basée sur une certaine psychologie (qui détermine les motivations pour travailler), inversement, elle constitue en elle-même un environnement qui influence la psychologie de ses acteurs (et donc ses motivations). La corrélation est à double sens. C'est ainsi que l'économie capitaliste de marché renforce l'avidité et la peur des autres. Faisons naître une autre logique, une autre double-corrélation !

On ne voit pas comment une économie favorisant la recherche d'un enrichissement personnel illimité peut être compatible avec la gestion globale des ressources naturelles nécessaire à la préservation de l'écosystème. Si chacun cherche à avoir toujours plus, comment la consommation globale peut-elle être limitée ? L'imposition de règles par un Etat est forcément d'une efficacité réduite: l'avidité n'a pas de raison d'épargner les fonctionnaires s'ils baignent dans l'économie capitaliste, d'où une corruption prévisible de ceux-ci... C'est d'ailleurs ce que l'on observe dans le monde, où les lois pro-environnementales peinent à être effectivement appliquées.

En ces jours où règne une certaine abondance, nombreux sont ceux qui peuvent prendre beaucoup de temps pour penser, libérés des contraintes de la survie quotidienne. Ils ont là l'occasion d'évoluer en sagesse.
Dans l'hypothèse où la catastrophe (nucléaire ou écologique) n'exterminerait pas l'espèce, il est probable que le règne de l'avidité perdure (car il y aura alors plus d'insécurité et moins le temps de penser), et les connaissances nécessaires à la guerre nucléaire ou à la surexploitation de l'environnement seront facilement retrouvées...
C'est donc le moment ou jamais de se relier différemment les uns aux autres...

Plus de justice, de reliance et de soutenabilité ne peut résulter que de dispositions humanistes. Ce sont d'ailleurs de telles dispositions qui inspirent la présente discussion, à la recherche d'une économie désirable...
Si l'harmonie pouvait résulter de l'égoïsme, comme le prétendirent les utopistes libéraux à la fin du XVIIIème siècle ("la main invisible" de A Smith), les résultats du capitalisme de marché auraient été plus probants... Ce qu'on a observé est l'apparition d'une bourgeoisie richissime et de conditions de vie extrêmement pénibles pour la majorité (décrites dans les romans d' E. Zola). Une intervention de l'Etat (lois sociales, syndicats etc.) a depuis tempéré ces conséquences du capitalisme pur...

Dans les comportements de tous les jours, l'humanisme, le sens de la solidarité n'est cependant pas universel et spontané. L'environnement social, que ce soit par la culture ou par l'organisation économique, doit le favoriser. Une grande partie de nous-mêmes est le produit de cet environnement (quelle que soit la façon dont il s'est mis en place : par hasard ou par calcul). Il faut agir sur tous les plans afin de garantir à un tel projet un maximum de chances de réussites.

Il est donc urgent de créer d'autres sociétés, des sociétés favorisant l'amour et la solidarité. Car sans le développement de véritables alternatives, nous avons peu d'avenir (en quantité et en qualité)...

Une utopie réaliste

Si expérimenter est nécessaire, il est évidemment souhaitable de ne pas expérimenter n'importe quoi si l'on veut avoir des chances de progresser rapidement.
Il y a déjà eu quelques tentatives d'utopie expérimentale dans le passé. Si elles avaient abouti au résultat attendu, ça se saurait... Elles furent souvent brèves, minées par des conflits internes. Il faut prendre en compte les enseignements de ces expériences, de la psychologie, et ne pas se contenter d'improviser comme cela se fait si souvent.

Le fait qu'une telle expérience s'appuie sur une base scientifique augmente ses chances de succès. Ainsi, parmi les utopistes du passé le psychologue BF Skinner, dont les travaux ont montré l'importance d'une motivation positive (la carotte plutôt que le bâton), a inspiré, par son roman "walden II", des communautés qui fonctionnent toujours depuis plus de trente ans (Los Horcones, Twin Oaks...)
Ces cas sont cependant assez rares, le romantisme, le simplisme et le dogmatisme restant fortement présents.
La prise en compte de quelques découvertes et techniques récentes de la psychologie, comme l'analyse transactionnelle d'Eric Berne, la communication non violente de Marshall Rosenberg, aiderait considérablement la vie d'une communauté humaine...

Si l'on veut favoriser l'humanisme et la compassion, l'idéal semble être une économie "à motivation directe". Une telle économie implique l'existence d'un but commun. Une société où une telle motivation est présente sur le plan économique est une "communauté".
A la limite, chacun agirait directement dans le sens de ce qu'il perçoit comme étant le bien commun, sans se soucier de son propre intérêt immédiat. Chacun travaillerait, spontanément, en faisant abstraction de la peine que son travail lui occasionne, en ne regardant que son résultat. Chacun travaillerait le plus possible tout en consommant le moins possible.
Même dans cette hypothèse, une organisation est nécessaire : tenir compte de ce que font les autres acteurs, pour ne pas refaire la même chose. De plus, la détermination du bien commun n'est pas toujours évidente. Se consulter pour le déterminer permettrait d'ailleurs de mieux s'en rapprocher.

Cet "anarcho-communisme" est peu réaliste car si l'humanisme existe en chaque homme, il ne règne pas d'une façon aussi absolue ! Chacun a aussi des besoins et des désirs plus personnels, des attachements divers et variés, qui, s'ils peuvent être réduits par le développement d'une certaine éthique, ne peuvent être éradiqués du jour au lendemain ! Une telle économie ne semble viable que si ses acteurs sont tous des saints ou des éveillés, ce qui restreint considérablement son champ d'application...

Ainsi, rajouter une part de "motivation indirecte" est souhaitable.
Il importera toutefois de veiller à ce qu'elle ne soit pas trop importante ou qu'une culture/éthique maintienne l'humanisme par ailleurs. Ceci, afin que cette motivation indirecte ne conduise pas à une hypertrophie de l'égoïsme, comme l'a fait le développement de l'économie monétaro-capitaliste...
Une motivation indirecte légère peut être simplement constituée par le fait que la participation de chacun au travail pour la communauté soit porté à la connaissance de tous (par opposition à un dévouement secret ou une confiance aveugle).

La motivation directe elle-même doit être étudiée de façon à constituer un objectif humainement réaliste. Ainsi, il est peu probable que des humanistes travaillent spontanément à une production qui ne serait pas consommée de façon relativement équitable. Ainsi, aucun humaniste n'accepterait de travailler au service de l'économie actuelle s'il n'y était contraint par le souci de sa sécurité personnelle... Nous sommes généralement plus disposés à travailler pour une société juste, que pour satisfaire les désirs du premier particulier venu. Le "sociétisme" est plus vraisemblable que l'"altruisme"...

Il est également peu probable de trouver une proportion sensible de la population qui accepte de ne consommer que ce que sa survie nécessite, sans avoir de choix dans sa consommation...
Une utopie réaliste semble être un socialisme où les acteurs puissent consommer un peu plus (en valeur), à condition de devoir couvrir cet accroissement de leur consommation par un accroissement de leur travail. Il y a ainsi plus de liberté individuelle, avec l'assurance d'une répartition relativement équitable des peines et des gains.
A la différence du monétarisme de marché, l'évaluation d'une consommation serait basée sur son impact environnemental et la pénibilité des travaux qu'elle nécessite, et non pas sur le résultat d'une négociation entre propriétaires... Ainsi, le sens de la justice et le respect de l'environnement prendraient la place centrale qu'occupent actuellement l'avidité et la peur, comme moteur principal de l'économie.

Dans cette économie, la propriété individuelle des moyens de production (en particulier la terre) serait supprimée. La propriété privée des biens serait remplacée par une propriété collective et/ou un droit de jouissance (sorte de "location") destiné à répartir justement le coût de sa production entre ses consommateurs... 
L'attribution de ce "droit" se ferait collectivement. Ainsi, plus de propriété privée... mais toujours suffisamment d'intimité et d'autonomie individuelle.

Les décisions concernant plusieurs personnes seraient prises en commun, avec recherche de l'unanimité.
Cette économie, qui pourrait se concrétiser sur la base de petites communautés de vie, abolirait donc la hiérarchie de pouvoir, poison pour la justice, la liberté, et la qualité des rapports humains...

Ainsi, émergerait une économie viable, juste, reliante et écologique...

Une stratégie réaliste

Afin qu'une telle utopie, même réaliste ne reste pas qu'un rêve, il importe de déterminer les moyens de la faire advenir, fût-ce progressivement, à partir de la situation actuelle. N'importe quel individu doit avoir la possibilité de contribuer concrètement à l'émergence de cette utopie. Encore faut-il avoir déterminé comment !

Rien n'empêche quelques volontaires d'acquérir de quoi pourvoir à leurs besoins élémentaires en ayant recours à une économie (mode d'organisation) plus satisfaisante que le capitalisme de marché. Une surface de terrain agricole, peut aisément nourrir quelques personnes...
L'autonomie à petite échelle est cependant coûteuse en travail et en risque (incertitude sur les récoltes). Une mutualisation des risques (et un gain de productivité globale) peut être obtenu au niveau d'un réseau de plusieurs communautés.
En attendant cette solution, les premières communautés peuvent se faciliter la vie en conservant un lien économique avec l'économie de marché. Ce dernier peut prendre la forme d'une entreprise touristique ou de production quelconque ou un travail à l'extérieur pour quelques membres qui le désirent. Ainsi, du capital matériel peut être acquis au service du développement du réseau de communautés.

Même dans l'hypothèse d'une autonomie économique, il n'est aucunement question de se couper du reste du monde. Les échanges humains, heureusement, ne se réduisent pas aux échanges à caractère marchand...

Pour qu'une proportion non négligeable d'humanistes acceptent de fournir des capitaux à une telle entreprise, il importe qu'ils soient assurés du bon emploi de ceux-ci.
Vu l'importance de l'attachement à la sécurité dans la population humaine, il peut même être souhaitable d'autoriser le remboursement des fonds apportés par les volontaires réalisant au bout d'un certain temps que ce choix de vie ne leur convient pas. Cela susciterait un effort particulier pour que le mode de vie soit satisfaisant...

La conservation d'un lien avec l'économie "extérieure" nécessaire au début (ne serait-ce que pour acquérir des capitaux), implique une conversion possible entre argent extérieur et travail au sein de la communauté.

Il est souhaitable de proposer un mode de vie agréable sur les plans relationnel et moral. Car sur le plan du confort matériel, il est difficile de rivaliser avec la société "de consommation". Cela serait d'ailleurs incohérent avec le respect de l'environnement : même avec une meilleure gestion des ressources (recyclage, techniques "écologiques"...) la consommation doit nécessairement être limitée...
Certes, une économie équitable sélectionne d'elle-même des personnes ne souhaitant pas exploiter les autres... Certes, la qualité de la relation est favorisée par la meilleure reliance de l'économie "éco-socialiste". Mais cela n'est pas suffisant.

Sont souhaitables :
- un haut niveau de solidarité : la communauté s'efforce de satisfaire les besoins fondamentaux de chacun de ses membres.
- un travail sur le plan du bien-être psychologique. En particulier par le développement d'un humanisme cohérent et non-dogmatique. (voir "félicitisme"), des rituels de rappel des objectifs communs.
- un travail sur la qualité de la communication (voir CNV).
- une vie communautaire favorisant le dialogue : l'expression et l'écoute des besoins de chacun.
- une sélection des personnes sur la base de leur non-nuisance vis-à-vis des autres (elles doivent partager l'objectif du projet, effectuer un "stage" de vie commune).
- une prise de décision qui soit la plus satisfaisante possible pour le plus grand nombre (voir "mode de prise de décision").
- juste ce qu'il faut de règles pour se rendre la vie plus agréable (et que l'économie fonctionne!)

N'hésitez pas à me faire part de vos réactions, suggestions, interrogations, difficultés etc., ainsi que des fautes ou problèmes techniques que vous auriez rencontrés...

mail

Pour toute citation ou reproduction de textes de ce site, non destinée à un usage strictement personnel, merci de :

  1. mentionner vos sources (la page internet et, éventuellement, le nom de l'auteur)
  2. me prévenir (je pourrai ainsi vous informer des évolutions correspondantes).